La neige était sale, adaptation réussie

Scénario : Jean-Luc Fromental
Dessin : Yslaire
Éditeur : Dargaud
Sortie : 26 janvier 2024
Genre : Polar, Thriller

Chef d’œuvre de Simenon, La neige était sale tout comme L’étranger de Camus s’inscrivent tous les deux dans le courant existentialiste en interrogeant la liberté de l’individu et la liberté de ses actes dans un monde en crise. Après avoir publié en 2020 avec Philippe Berthet De l’autre côté de la frontière, dont le personnage principal était fortement inspiré par Simenon, Jean-Luc Fromental entreprend donc l’adaptation d’un roman du célèbre auteur belge avec la complicité d’Yslaire, dont la série Sambre s’affirme comme une œuvre majeure du romantisme noir.

Frank est le fils de Lotte, tenancière de la maison close que fréquentent les forces d’occupation de cette ville moyenne d’Europe de l’Est jamais nommée, figée dans les pénuries, le froid et la sourde horreur des années de guerre. Il a 17 ans et les filles n’ont plus de secrets pour lui, puisqu’il a les pensionnaires de sa mère à disposition. Sans savoir ce qu’il cherche, Frank se laisse glisser sur la pente du banditisme, assassine, sans raison matérielle ni patriotique, un occupant particulièrement répugnant, vole et tue une vieille femme qu’il connaît depuis l’enfance, et plonge dans un avilissement que seule éclaire l’image idéalisée de Sissy, sa chaste voisine, éperdument amoureuse de lui.

Engrenage

Comme toujours avec Simenon, on suit un personnage en particulier, ses interactions avec le monde qui l’entoure, et sa descente aux enfers ou sa possible rédemption. L’action est mécanique et n’est pas le sujet premier du récit, qui est de savoir comment le protagoniste réagit, comment de fil en aiguille, il se voit coincer dans sa condition pour déboucher sur son salut ou sa perte. C’est haletant et en même temps lourd et inévitable comme si, une fois pris dans l’engrenage, le personnage principal ne pouvait échapper à son destin.

Graphiquement, le trait d’Yslaire ainsi que le choix d’un coloriage en niveau de gris et rouge fait merveille, La neige était sale étant un ouvrage que l’on admire et feuillette autant qu’on lit, comme toutes les œuvres de l’artiste.

Après avoir raconté dans Simenon l’Ostrogoth un moment clé de la vie de l’auteur, Jean-Luc Fromental adapte avec brio, magnifiquement soutenu par la verve graphique d’Yslaire, un des meilleurs romans de Simenon. Un événement à ne pas rater.