Simenon l’ostrogoth, académisme

Scénario : José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental
Dessin : Loustal
Éditeur : Dargaud
Sortie : 06 octobre 2023
Genre : Biographie, Documentaire

Rien n’aura raison de sa décision. Pas même les réticences ouvertes de sa mère, qui la voit grandiveuse et mauvaise maîtresse de maison. Le jeune Simenon est bien décidé à épouser Régine. L’amour l’a rendu moins cavaleur et plus dévoué. Désormais, il se refuse à l’indolence de ses anciennes conquêtes, même quand elles rappliquent la bouche en cœur et la parole jalouse. Par amour pour sa belle androgyne, qu’elle puisse peindre sans jamais être dans le besoin, il brade même ses talents d’écrivain et devient le secrétaire attitré d’un comte. Pour autant, il ne renonce pas à ses aspirations littéraires. Cela demande juste un aménagement, qui finit par être payant. Avec acharnement, il réussit à forcer la parution d’une de ses nouvelles dans le quotidien Le Matin. Moins littéraire, l’assenait-on. Il a enfin trouvé la recette et mis le doigt dans l’engrenage de la machine éditoriale. Il va pouvoir se laver de l’ingratitude des boulots alimentaires pour se consacrer entièrement à un art qui, certes, paye des cacahuètes mais le fait un peu mieux rêver. Malgré la cadence à laquelle Simenon écrit, les deux tourtereaux vivent mal. Les peintures de Régine sont rabrouées, jugées trop salaces ou trop fermières. Les temps sont durs et il faut joindre les deux bouts.

La nationalité en moins, il semblerait que les scénaristes aient bien des points communs avec la figure dont ils s’inspirent. Comme l’écrivain belge, Boquet et Fromental se sont imposés en maîtres dans leur domaine. Nul bédéphage qui se respecte n’est passé à côté de la série de portraits de femmes qu’édite le premier chez Casterman, comptant Kiki de Montparnasse, Alice Guy ou encore Joséphine Baker. Mais quand, ensemble, ils signent le dernier Blake et Mortimer ; là, c’est l’apothéose. Ils ont le vent en poupe.

Facile et fonctionnel

Malheureusement, aussi comme Simenon, on dirait qu’ils produisent pour rentrer dans leurs frais. Secondé par le fils du romancier, ce qu’ils ont machinalement pondu est une bande dessinée facile et fonctionnelle. Un travail mécanique d’analyse, de restitution et de chapitrage, dans lequel chaque évènement prend la forme d’une parenthèse en quelques pages, le tout dans un ordre on ne peut plus chronologique. La linéarité évite tout risque. Il vaut mieux être direct que de paraître pour un ostrogoth. Heureusement qu’il y a la veine un peu expressionniste du dessin de Loustal pour relever la sauce. Ceci dit, pour un amoureux de Simenon, qui s’est farci ses quelques centaines de livres et cherche une nouvelle manière de commémorer son 120ème anniversaire, c’est du pain béni. Simenon l’ostrogoth ne trompe pas. Ce n’est ni plus ni moins qu’un roman graphique sur Simenon.