Rêve d’automne : le dernier rendez-vous avant l’hiver

Ecrit par Jon Fosse, mis en scène par Georges Lini, avec Isabelle Defossé, Georges Lini, Claude Semal, Barbara Sylvain et Cécile Van Snick. Du 17 au 26 février 2022 au Rideau de Bruxelles.

Rêve d’automne nous plonge dans les pensées désordonnées d’un homme de 40 ans pour (re)vivre avec lui les moments charnières de sa vie, ces instants de joie pure et d’enfer qui composent toute existence. Dans un cimetière envahi par les feuilles mortes, des retrouvailles se jouent sous nos yeux entre Lui et Elle d’abord, avec Eux ensuite. Mais comme les pensées vagabondent, les souvenirs se succèdent et les situations s’emmêlent…pour finalement s’éteindre. Comme un vieux vinyle griffé, certains dialogues se transforment en boucles infernales qui torturent l’âme de ses phrases assassines répétées. Mais à travers ce méli-mélo de l’histoire d’une vie, un fil rouge se dessine autour de la solitude, de l’amour et de la peur. Ce trio d’émotions, souvent associées, se cristallise pour l’occasion autour du thème de la mort, sujet central de ce drame contemporain.

Dans cette nouvelle interprétation de l’œuvre de Jon Fosse, Georges Lini semble avoir accordé une attention toute particulière à l’ambiance générale. Dès les premiers pas dans la salle, le public est happé par la pénombre, la brume et le décor fantomatique qui y règnent. La mise en scène va plus loin avec un jeu de lumière en prologue qui permet à chacun de glisser subrepticement dans l’univers. Cette atmosphère particulière est renforcée par une présence musicale lancinante et de multiples symboles décelables par les plus attentifs. Mais ne méprenons pas : ici pas de poudre aux yeux, la mise en scène est au service du texte. Et ce dernier prend tout son sens quand le duo chargé de le porter parvient à lui apporter une certaine épaisseur. Les années de travail ensemble auraient-elles permis à Georges Lini et Isabelle Defossé d’enrichir l’interprétation ? Probable !

Tout n’était pourtant pas joué et la prise de risque était bien là : bien que reconnue sur la scène internationale (on compte aujourd’hui des traductions de ses œuvres dans plus de quarante langues !), l’écriture minimaliste de l’auteur aurait pu perturber le spectateur non-averti. Jon Foss ne choisit pas la voie commune du bon pédagogue/accompagnateur/berger de moutons (cochez la mention adéquate), pour plutôt proposer à chacun d’être acteur de sa réflexion, à son rythme et avec sa propre interprétation. Et on l’en remercie ! Un beau défi lancé et relevé avec cette nouvelle version fine et réfléchie qui nous invite à nous recentrer sur notre condition de mortel, avec sa force et sa faiblesse.