« Un fils perdu », la perte d’une nation

Titre : Un fils perdu
Auteur : Sacha Filipenko
Editions : Noir sur blanc
Date de parution : 7 avril 2022
Genre : Roman

Métaphore d’un pays qui s’est enfermé dans un passé idéalisé, incapable de proposer à ses citoyens autre chose qu’une vie morne et sans joie, Un fils perdu de Sacha Filipenko est une œuvre essentielle pour ceux qui veulent comprendre la Biélorussie et le désir de changement de ses habitants. Paru en 2014, il est malheureusement toujours d’actualité, même si le nombre de mécontents osant défier l’autorité grandit à chaque scrutin.

Après une violente bousculade lors d’un mouvement de foule, Francysk, jeune homme de 16 ans qui étudie la musique dans une ville de Biélorussie, tombe dans le coma. Si la plupart de ses proches l’abandonnent, ce n’est pas le cas de sa grand-mère Elvira, qui prend soin de lui, lui rend visite chaque jour et veille à ce qu’il soit bien soigné. Lorsqu’il se réveille après dix ans de coma, on lui annonce que sa grand-mère est décédée et que sa mère a refait sa vie. Mais dans le pays, tout est comme avant : un président très autoritaire est toujours au pouvoir, les jeunes quittent le pays, et la police réprime toute tentative de contestation.

Comme d’autres auteurs avant lui, Sacha Filipenko a compris que pour toucher le cœur des lecteurs, pour inspirer de l’empathie, il fallait que son récit évoque le quotidien des citoyens ordinaires comme Francysk ou sa grand-mère, et ce, afin de mieux montrer l’absurde de celui-ci. Ainsi, à travers les longs monologues de la grand-mère à son petit-fils durant son coma ou la redécouverte de la vie et les questions candides posées par  Francysk à son ami une fois réveillé, l’auteur nous fait percevoir le surréalisme de la situation biélorusse, un pays au service de son seul président.

Et si le présent ouvrage traite bien du pays natal de l’auteur, on ne peut s’empêcher de faire des parallèles avec d’autres autocraties ou dictatures dont les citoyens sont les otages de régimes sclérosés et enfermés dans des rhétoriques militaristes. Car au final, ce que nous raconte Un fils perdu, ce n’est pas uniquement l’histoire de la perte d’un individu mais plutôt celui de la disparation de toutes les forces vives de la nation.