« Neverwhere », dans les abysses de Londres

Titre : Neverwhere
Auteur : Neil Gaiman
Editions : Au Diable Vauvert
Date de parution : 22 février 2024
Genre : Urban Fantasy

Neverwhere, c’est un peu le mythe de la caverne inversé. Il existe un monde en bas, dont ceux qui vivent à la lumière ignorent tout. Un monde qui répond à ses propres règles. Des énergumènes en guenilles s’y promènent, établissant leurs fiefs dans des bouches de métro nauséabondes. Ils communiquent avec les rats et traversent des portiques temporels. Ils sont capables de voir leurs homologues. Mais la réciproque n’est pas vraie. Les honnêtes gens du haut ont appris à mener leur existence sans ne jamais remarquer ce qui se passe dans les marges.

Richard est le prototype même du Londres d’en haut. La semaine, il se fatigue la vue devant un ordinateur, surveillé par une armée de trolls offerts par des collègues convaincus qu’il les collectionne. Et le week-end, il se scandalise du prix du café au Tate Museum, ses pieds endoloris par la visite qu’il a concédé à sa fiancée. Rien n’indique que Richard pourrait un jour tomber dans le Londres du bas. Et pourtant. Alors que l’enjeu est d’arriver le moins en retard possible au souper organisé en la compagnie de l’employeur de Jessica, puissant homme d’affaires, le regard de Richard est attiré par une masse humaine repliée sur le sol. C’est une jeune fille blessée. Sa chevalerie le pousse à ramener chez lui Porte, la demoiselle en détresse. L’acte de bravoure se solde évidemment par une rupture. Mais surtout par une menace de mort. Les gouapes Croup et Vandemar, à qui l’on doit l’incendie de la ville de Troie et les ravages de la peste noire sur les Flandres, n’apprécient pas beaucoup qu’on leur dérobe leur proie. Richard a forcé la porte des bas-fonds. Il est maintenant condamné lui aussi à l’invisibilité. Commence alors un long périple qui mènera Richard, Porte et cette crapule de marquis de Carabas à travers un Londres fantastique, rythmé par les marchés flottants. Mais parviendront-ils à découvrir qui veut leur peau et à rendre sa liberté à Richard ?

Neverwhere compte parmi les classiques de la littérature adolescente. Traduite en 1998, elle est l’une des première percée de l’urban fantasy sur le marché français. L’écriture est simple. Comme nous l’ont aussi prouvé JK Rowling ou Roald Dhal : il n’est pas nécessaire de s’encombrer de mots arrogants quand on peut compter sur son imagination. Neil Gaiman, à qui l’on doit aussi Coraline, se distingue par son univers. Ses dédales putrides qui cachent des accès insoupçonnés. Ses wagons de métro éteints où se prennent de grandes décisions. Neil Gaiman déforme cette ville qu’il semble si bien connaître. Sous sa plume, Londres se transforme en un énorme terrain de jeu où chaque lieu obtient une identité fantastique propre. Les stations prennent vie et deviennent littéralement ce qu’elles sont. La cours des contes est une vraie cours de contes. Pareil pour le buisson du berger. Neil Gaiman fait de ceux qui vivent de la rue, des héros. Ses personnages sont des vagabonds qui n’ont pas pour unique fonction d’être sans-abris. Dans sa préface, il nous avoue que le seul désaccord qu’il ait connu avec sa directrice littéraire était la touche d’humour dont elle voulait qu’il se débarrasse. Heureusement, il ne l’a pas écoutée. Au Diable Vauvert propose une réédition unique, fruit de l’union entre la version américaine et la version anglaise, d’un bijou de fange et de gueuserie.