« Les larmes de Chalamov », pour crier et témoigner

Titre : Les larmes de Chalamov
Autrice : Gisèle Bienne
Editions : Actes Sud
Date de parution : 05 avril 2023
Genre : Essai, Histoire

Il y a des lectures dont on ne revient pas indemne, qui vous hante jusqu’à la fin de vos jours. Des œuvres tellement fortes que vous devez les partager. Les larmes de Chalamov n’est pas seulement un récit sur le goulag, c’est surtout un plaidoyer pour découvrir Les récits de la Kolyma, l’œuvre majeure de Varlam Chalamov, revenu de l’enfer des camps pour crier sa vérité, celle que des millions de citoyens soviétiques, morts de faim, de froid, de mauvais traitements ou simplement fusillés car ils ne respectaient pas les normes, n’ont jamais pu exprimer.

Homme peu connu en Occident, Varlam Chalamov se révèle être un homme exceptionnel sous la plume de Gisèle Bienne, un homme bon, qui, une fois pris au piège de l’incroyable machine de destruction soviétique, n’a eu qu’un but, celui de témoigner de l’horreur que lui et des millions de citoyens ont vécu. Une lente et constante torture mentale ajoutée à une oppression physique exercée tant par les prisonniers de droit commun que les gardiens et qui dura presque deux décennies pour Chalamov.

Vivre

Les larmes de Chalamov évoque les moments forts de ces deux décennies ainsi que l’élaboration de ses récits lorsque celui-ci fut libéré dans un style concis et pudique, sans fioriture ou éléments de langage superflu, une manière d’écrire qu’aurait sans doute approuvé l’auteur lui-même. Un ouvrage qui nous informe sur la vie quotidienne dans un goulag, sur l’importance de l’écriture et des mots pour rester attaché au royaume des vivants, sur les hommes et femmes qui par leurs actions courageuses l’ont maintenu en vie durant dix-sept ans mais également sur les correspondances qu’il a pu entretenir avec d’autres écrivains, dont celle avec Boris Pasternak.

Une œuvre qui nous donne envie, à notre tour, de témoigner et crier, d’affirmer jour après jour, et ce malgré l’oubli et la volonté manifeste de ceux qui ont pris le pouvoir en Russie, que les camps ont bien existé, qu’ils étaient la partie visible d’une politique visant à écraser tous ceux qui s’écartaient de la norme, politique qui n’a jamais été remise en cause même si elle a pris d’autres formes par la suite. Une œuvre qui nous incite à lire Chalamov, pari réussi donc pour Gisèle Bienne.