“Kung Fu Panda 4”, et ça continue encore et encore

Kung Fu Panda 4
de Mike Mitchell et Stephanie Stine
Aventure, Animation, Comédie, Famille, Arts Martiaux
Sortie en salles le 6 mars 2024

3 Dragons, 3  Madagascar ainsi qu’un spin-off centré sur les pingouins, 4 Shrek desquels on a tiré 2 Chat Potté et maintenant… 4 Kung fu Panda. Et encore, c’est sans compter les téléfilms, les courts-métrages et les séries d’animation qui font monter le nombre de projets audiovisuels nés de ces quatre univers à 37 ! On ne compte, ici, pas non plus les autres sagas estampillées DreamWorks et étant déclinées sous tous les formats possibles et imaginables (Trolls, Baby Boss, Les Croods, etc.). Cependant, étendre toujours plus un univers n’est pas un problème en soi. Pour preuve, certaines séries TV s’améliorent avec le temps ou, a minima, ne perdent pas en qualité. Ce qui pose question, par contre, c’est le but. Car à y regarder de plus près, on peut véritablement se demander ce qu’entreprend DreamWorks tant la société de production ne semble vivre que sur ses sagas, sans trop chercher à innover outre mesure. Ainsi, depuis la sortie du premier Shrek, plus de la moitié des longs-métrages du producteur font partie d’une saga. Si on croise cette donnée avec une autre : celle des bénéfices (chacun des Kung Fu Panda ayant rapporté peu ou prou le quadruple de ce qu’il a couté pour un total qui avoisine les 2 milliards d’euros), qu’obtient-on ?

Défendons-nous d’une certaine naïveté, le cinéma est une économie. De fait, un producteur ou un diffuseur visera la rentabilisation de son investissement. On ne peut donc pas reprocher à DreamWorks de surfer sur la vague de ses succès en étirant toujours plus leur saga et s’assurer ainsi des bénéfices. Grâce à de véritables pépites, l’entreprise a créé des marques la rendant prospère. Soit, c’est le jeu. Cependant, cette politique a une limite : la prise de risque. D’une part, le fait que plus de la moitié de la filmographie de DreamWorks soit partie intégrante d’une saga révèle d’une certaine frilosité quant à l’innovation et laisse à présager qu’un film issu d’un univers original et couronné de succès donnera lieu à un nombre conséquent de suites pour les quinze années à venir, prenant ainsi la place d’autres projets qui auraient pu voir le jour. D’autre part, on touche ici au cœur du souci, cette absence de prise de risque se perçoit au sein même des sagas. Car il est temps de parler du sujet qui nous intéresse aujourd’hui : Kung Fu Panda 4.

Voilà huit ans qu’on avait laissé Po derrière nous. Huit années qui ont vu Jennifer Yuh Nelson, réalisatrice des opus 2 et 3, remplacée par à Mike Mitchell, réalisateur du tristement célèbre Shrek 4. Huit ans pour trouver un nouveau challenge au Panda le plus puissant de l’univers, guerrier-dragon et détenteur du secret du Chi le rendant plus ou moins invincible, second symbole d’invincibilité après celui d’être le héros d’une saga. Mais patatras, 8 ans pour, finalement, pas grand-chose. Car si l’antagoniste du troisième volet ainsi que son plan peuvent être résumés comme suit : un guerrier légendaire revient d’entre les morts et transforme les plus grands maîtres du kung-fu en sbires à ses ordres. Voilà ce qu’on pourrait dire du dernier film DreamWorks : une sorcière protéiforme fait revenir les plus grands guerriers d’entre les morts, se change en eux et utilise leurs techniques de combat. Ainsi donc, huit ans pour user des mêmes ressorts narratifs. Pire encore, Kung Fu Panda 4 tombe dans le principal écueil des sagas : le toujours plus.

Toujours plus parce que la trilogie originelle se terminait, comme dit précédemment, par la découverte d’un pouvoir rendant Po imbattable. Comment donc lui trouver un antagoniste à sa taille ? La réponse est simple, comme on l’avait vu dans Star Wars 9, en empilant les adversaires. Ainsi, comme Rey affronte « tous les Sith », Po affronte tous les méchants et tous les autres grands maîtres de l’univers Kung Fu Panda. Plus décevant encore que ce recyclage narratif navrant, Po va s’affronter lui-même lorsque la Caméléone revêt son apparence. C’est donc par des codes grossiers et éculés que les scénaristes répondent à la question « comment faire quand on a déjà poussé les curseurs au maximum ? ». Cette prouesse de médiocrité narrative est extrêmement dommage, car l’univers esthétique, aussi bien visuel que sonore, est toujours, lui, au rendez-vous. Il en va de même pour un humour qui, certes ne surprend plus énormément, mais reste très efficace.

Par ses choix marketing, DreamWorks incarne, ainsi, les limites du système. Ce qui aurait pu rester un film fantastique et incroyablement original en 2008 est devenu, quinze ans après, une saga tout au plus sympathique. Une suite de films qu’on confond les uns avec les autres tant ils ne tendent qu’à reproduire la recette première, celle qui a fait naître le succès, et les bénéfices.