« Cela aussi sera réinventé » : préparez vos neurones, vous allez en avoir besoin !

Titre : Cela aussi sera réinventé
Auteur : Christophe Carpentier
Editions : Au Diable Vauvert
Date de parution : 10 septembre 2020
Genre : dystopie

Le dernier-né de Christophe Carpentier nous immerge dans une dystopie tout à fait dans l’air du temps : un monde qui part en vrille suite aux dérèglements climatiques. L’Humanité, contrainte de subir sans cesse invasions d’insectes ravageurs, séismes, déluges, irruptions volcaniques et autres tempêtes de sable, doit se résoudre à ne plus pouvoir vivre comme avant. Mais l’auteur va plus loin que toutes ces dystopies survivalistes que l’édition francophone nous propose régulièrement : il introduit dans son récit une nouvelle philosophie de vie, pensée par une femme, Claire Kraft, qui au fil du temps et des repreneurs de flambeau, sera poussée à son extrême par ses adeptes qui y voient l’unique moyen de faire face à ce monde chaotique.

En décrivant un système sociétal en pleine mutation, l’auteur nous démontre comment une idéologie, initialement développée pour garantir à ses fidèles épanouissement et bien-être, peut devenir une véritable dictature pour ceux qui ne partagent pas ses préceptes.

Mais quelle est cette philosophie ? Au point où nous en sommes, pourrait-elle éventuellement nous sortir de notre marasme covidien ? Permettons-nous d’en douter. En théorie, la Décontextualisation Nomade se base sur le détachement affectif et le rejet de la sédentarité et du matérialisme. En gros, cela veut dire qu’on fait une croix sur sa famille, sa relation de couple, l’éducation de ses enfants et sa belle maison à Knokke. En pratique, la base de cette philosophie est de ne plus être entravé par qui que ce soit ou par quel confort que ce soit et de ne jamais craindre ni douleur ni mort dans le but de partir continuellement sur les routes, afin de convaincre le plus grand nombre de rejoindre le mouvement. C’est un euphémisme de dire que ce prosélytisme ne sera pas toujours bien accueilli…

Le roman est divisé en trois parties : la création du concept de la Décontextualisation Nomade, l’application de cette pensée par les pionniers et le monde d’après. Les trois parties étant assez inégales. En effet, si l’une d’elle est beaucoup trop bavarde, abstraite et prise de tête, une autre est magistrale au niveau de son décor lunaire dévasté par la colère terrestre, son mode de vie déprimant et surtout, son peuple que vraiment plus rien n’affecte. Un peu comme en période de canicule dans un bus bondé sans climatisation : au bout d’un moment on lâche prise, on en sortira puants et dégoulinants sans pouvoir rien y faire. Mais dans Cela aussi sera réinventé, ce détachement absolu en devient glaçant.

Comme beaucoup de dystopies, ce roman peut titiller la conscience climatique des lecteurs. Il y est également question du combat féministe et des méfaits du capitalisme. On sent que Christophe Carpentier veut éveiller beaucoup de choses chez les gens, peut-être un peu trop ?

Au final, cette lecture aura été en demi-teinte, mais n’oublions pas de souligner la jolie plume de Christophe Carpentier qui ajoute de la poésie à cet univers cérébral et pessimiste.