« La Maison des veilleurs », une fantasy qui se trame dans le cocon violent de nos réflexions

Titre : La Maison des veilleurs – Le Cycle de Syffe tome 4
Auteur : Patrick K. Dewdney
Date de parution : 2 mai 2024
Genre : Fantasy

Syffe, enfant adoptif de la ville de Corne-Brune, sans famille, vit de rapines et de corvées. Un jour contraint de rentrer au service d’un seigneur local, il quitte son quotidien et démarre sa longue errance. Jamais, à sa place, toujours ballotté d’une loyauté à une autre, il croise toutefois sur son chemin des personnes qui l’aident à s’attacher, à se retenir à sa propre destinée même si elle lui est parfois cachée.

Le long des trois tomes, Syffe perd ceux qui lui offrent quelques accalmies, leur amitié, leurs conseils et leur sagesse. Mais aux prix de nombreuses douleurs et d’une grande solitude. Dans ce quatrième tome, il a trouvé un lieu, la Tannerie, où la coterie qu’il a formée est désormais à la solde d’Aidan Corjourg, jeune primat de Bourre.

Tandis qu’il laissait les jeux de pouvoirs et les allégeances changeantes le faire avancer dans les tomes précédents, dans La Maison des veilleurs, c’est un personnage plus ancré que l’on retrouve. Entouré de sa coterie, entouré de son amie Driche, il est temps de se demander ce qui l’a mené jusque-là, il est temps pour lui de s’intégrer à la marche du monde et d’y trouver un sens. Syffe-sans-terre et sans cause, il est bien temps que cela change : ce sera le sort des Epones.

Il faut attendre une centaine de pages pour retrouver l’écriture introspective de Dewdney. Avant cela, pour permettre aux lecteurs de se remettre dans l’univers – après trois ans -, il faut bien évidemment prendre le temps de replacer les péripéties et surtout le contexte politique dans lequel va se dérouler La Maison des veilleurs.

Parmi les nombreux points remarquables, hormis l’écriture fine et précise, il y a à noter la manière dont il traite le genre et l’orientation de ses personnages. Le genre ou l’orientation sont abordés comme on voudrait qu’ils le soient plus souvent ; comme une part de la personnalité du personnage, mais ne jouant en rien un quelconque rôle dans la poursuite de l’histoire. Les personnages sont ce qu’ils sont dans cet univers, ils en parlent, on en parle, sans en faire un ressort narratif. Et cela fait du bien.

Il serait dommage de ne mettre en avant que ce point, cependant, c’est une des grandes forces de l’écrivain : parler des minorités et les mettre en avant, aussi naturellement qu’on mettrait en avant un héros archétypal, qu’on mettrait en avant les riches ou les nobles. Patrick K. Dewdney nous revient avec un tome intense, qui comme Syffe n’est plus là pour nous apprendre des choses, mais pour nous mettre en action.

Le Cycle de Syffe est un cycle qui a du souffle, de la profondeur et qui parvient impeccablement à maintenir l’équilibre entre ce que l’on attend d’un récit de fantasy et son propos social progressif, mais jamais moralisateur. La maestria narrative est indéniable et l’écriture est une dentelle, deux qualités à savourer sans attendre.