« Animals », sauvagerie sadique et choc intercommunautaire

Animals
de Nabil Ben Yadir
Drame
Avec Soufiane Chilah, Gianni Guettaf, Vincent Overath
Sorti le 9 mars 2022

Animals par Nabil Ben Yadir, le réalisateur des Barons, s’inspire d’un acte barbare à caractère homophobe commis à l’envers d’Ihsane Jarfi à Liège. Partant d’une histoire aussi triste que sordide, le film pose d’emblée la problématique de la représentation de l’ultra-violence au grand écran et prend le parti d’y confronter froidement le spectateur. La narration est découpée en trois parties qui dessinent les contours de plusieurs communautés : la famille musulmane aussi joyeuse que rigoriste, les tortionnaires au verbe haineux dont la frustration castre toute possibilité communicative, et celle de l’entourage du jeune Loïc, présenté dans le contexte d’un mariage après qu’il ait pris part au terrible crime. En parallèle à cela, Brahim – le troublant Soufiane Chilah – au regard sensible, paraît seul contre tous, tiraillé entre la culpabilité de son homosexualité et ses sentiments amoureux.

Une psychologie des foules aux sentiments toujours excessifs, selon la prophétie lebonienne, est alors esquissée. Le réalisateur n’évite pas les caricatures : le flamand à la virilité délétère qui veut de la chatte, l’islamiste craignant d’entendre les versets du coran dans la bouche d’une pédale et l’homosexuel au visage de porcelaine, torturé par le poids d’un secret intime. Nabil Ben Yadir tient à souligner que l’animosité ne naît pas de rien, en capturant une scène de violence familiale à l’encontre du jeune criminel Loïc, qui finit par trembler sous le poids des remords, réveillés par la couleur indélébile du sang. La radicalité visuelle et les longs plans-séquence à l’esthétique impeccable n’éclipsent rien, permettant de saisir la fatalité d’un acte pas plus animal qu’humain, mais guidé par des pulsions que seuls des troubles psychopathiques peuvent engendrer.

Les joies des fêtes – celle du mariage de la mère de Brahim où la religion de l’amour est célébrée et du mariage du père de Loïc fier de son fils, homme en devenir – contraste avec la dureté des dialogues et l’oppression véhiculée par un cadre religieux puritain. La gravité des expressions ne laisse aucun espoir d’une issue heureuse à cette tragique histoire. Le chanteur Pierre Rapsat le souligne dans la scène finale : les rêves naissent aussi vite qu’ils se brisent, à l’image des phalanges de Brahim, prisonnières de griffes gouvernées par une jouissance sadique.