« Acide », scénario basique

Acide
de Just Philippot
Fantastique, Drame
Avec Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach
Sortie le 20 septembre 2023

Trois ans après la sortie de son premier film La Nuée, Just Philippot nous revient avec une nouvelle dystopie écolo-catastrophe intitulée Acide. Si la première œuvre du cinéaste avait fait mouche auprès de la critique, on ne pourra pas en dire autant de ce second ouvrage, bien plus poussif dans sa narration et moins original dans son traitement.

Acide, c’est l’histoire de Michal (Guillaume Canet), un homme partageant la garde de sa fille Selma (Patience Munchenbach) et traînant – au sens propre comme au sens figuré – une peine adaptée suite à l’agression d’un policier survenue lors d’un mouvement syndical violent. Mais l’arrivée d’un orage de pluie « très » acide sur le nord de la France va obliger Michal à sortir de son marasme et à sauver la vie de sa fille, coûte que coûte.

Depuis le succès de La Nuée – mitigé à cause de la crise du Covid -, on avait compris toute l’envie de Just Philippot de nous servir un drame fantastique contemporain, c’est-à-dire une dystopie écologique. Un choix logique au regard des catastrophes climatiques survenues ces dernières années dans le monde réel. De manière globale, il est également compréhensible que le cinéma s’engage davantage dans ce style narratif, celui-ci ayant été de tout temps le reflet de la société qui l’entoure. Partant de ce constat, il restait, pour Just Philippot, à choisir entre le drame dystopique et le film catastrophe. Et c’est probablement sur ce point que le bât blesse, puisque choix, il n’y a pas eu.

De fait, le cinéaste installe son histoire dans le nord de la France, ouvrant son objectif sur un énième combat syndical de cette région jadis prospère, mais aujourd’hui socialement sinistrée. Just nous présente ses protagonistes : un père en colère, une mère refaite, une ado paumée. On est sur du Lynch sans strass, du Dardenne énergique ou du Dolan intelligible, on patauge et on subit la vie que Just Philippot nous donne à voir, esquissant en damasquiné les contours de la fable écologique qu’il s’apprête à dévoiler. Les médias et Selma annoncent les catastrophes à venir, sans que Michal ne s’en aperçoive, plus soucieux de ses problèmes personnels. Un drame très actuel nous direz-vous, « How dare you ! » dirait Selma. En tant que spectateur, on apprécie la mise en place, on aime la photographie des scènes et on attend qu’une seule chose : la pluie acide !

C’est exactement le moment choisi par le réalisateur français pour nous servir son film catastrophe. Délaissant en grande partie le tableau social et familial qu’il avait commencé à dépeindre, il s’embarque dans un scénario bien plus convenu : un père et sa fille fuient les pluies acides (qui anéantissent tout sur leur passage) et s’engagent dans un road movie à la recherche d’une terre d’accueil, à savoir la Belgique – même si la destination est davantage liée à la co-production du film qu’à la recherche d’une terre moins pluvieuse. Bien entendu, on comprend le récit métaphorique du réalisateur, de l’importance de l’accueil et de l’aide à apporter aux réfugiés climatiques. Mais on ne peut s’empêcher de comparer son récit à tant d’autres, cinématographiques bien évidemment (La Route, The Rain, The Last of Us, …) mais aussi littéraires comme le roman de John Brunner, Le Troupeau aveugle, dans lequel le monde se détériore rapidement, il pleut de l’acide et l’eau est devenue non potable. Et au jeu de la comparaison, Acide fait pâle figure. En prenant la route, la production nous offre des scènes exagérées, rendant le propos trop abstrait, et un duo père-fille duquel il ne transpire plus rien, si ce ne sont les affres et les cris.

En résumé, Philippot a visé juste dans sa première partie et dans son intention, mais s’est fourvoyé en voulant faire de son drame dystopique et écologique, un divertissement fantastique grand public, ce qu’il maîtrise assurément moins. Dommage.

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.

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