« Paradise, Nevada », Albin Michel mise sa rentrée sur Vegas

Titre : Paradise, Nevada
Auteur : Dario Diofebi
Editions : Albin Michel
Date de parution : 24 août 2023
Genre : Roman

Le premier roman qui cartonne, c’est un peu la main gagnante de l’édition. Pour ça, il semblerait que, chez Albin Michel, la mise aille sur l’Amérique. D’abord, c’était l’Ohio de Stephen Markley. Puis vint, Oakland – son foutre giclant dans la plume d’une écrivaine quittant à peine la puberté, Leila Mottley, 19 ans, et capable d’écrire la prostitution avec assez de verve que pour se faire repérer Outre-Atlantique. Et enfin, destination Vegas, baby ! Encore un profil d’auteur atypique, ne quittant pas les bancs de l’école, cette fois, mais ceux des casinos. Ancien joueur de poker professionnel, as des probabilités, Dario Diofebi est la preuve vivante qu’une réconciliation est possible entre des chiffres et des lettres.

En dépit de la logorrhée narcissique qu’il nous offre, dans les premières pages ; Ray, ce joueur de poker en ligne, ayant un problème évident avec la notion d’échec, n’est pas le héros de notre histoire. Pas plus que Mary Ann, ancienne mannequin dépressive reconvertie dans l’art de servir des cocktails tapageurs à de vieux touristes au regard lubrique. Ni Tom, l’Italien venu défier sa chance légendaire à coup de jetons multicolores. Et encore moins Lindsay, mormone et jadis nageuse professionnelle, engagée dans la lutte pour la protection animale. C’est la ville du péché, ses hôtels à thème et ses serveuse-mannequins, sa capacité à brasser tant de profils, à les galvaniser, dans sa torpeur brûlant de milles lumières, qui est, elle, réellement sous le feu des projecteurs.

Dario Diofebi peut prétendre au titre de l’auteur italien le plus américain. On lui reconnaît le cynisme de Jonathan Franzen, l’amour des mathématiques de David Foster Wallace, et surtout la relation amour/haine qu’une grande partie des écrivains made in US entretiennent avec ce pays. C’est original, sans être innovant. Le procédé littéraire ne s’écarte pas trop des codes qui ont su faire leur preuves. Quatre voix se partagent donc le récit – celle de Ray, Mary Ann, Tom et Lindsay – et sont interrompues par des interludes visant à lever le voile sur l’histoire de Vegas mais aussi celle du Positano, hôtel construit à l’effigie de la côte amalfitaine, dans lequel une bombe éclate, résultat de luttes syndicales trop longtemps ignorées.

Quand Diofebi parle, Albin Michel suit, donc. Et à raison. En attestent les retours dithyrambiques de la presse. Le Soir le présente même comme une petite pépite qui a surpris la rédaction. Et pourtant, le cachet premier roman, n’est pas toujours gage de valeur, il est même souvent présage de maladresses. Mais Dario Diofebi parvient à éviter les pièges qui guettent certains jeunes auteurs, l’empâtement des débuts. Dans ses envolées lyriques, pleines d’arborescences, il parvient à placer de-ci, de-là, un petit « multiprogénique », un autre « italophile », sans rendre le texte trop lourd. On peut féliciter les traducteurs, parce que la langue de Diofebi est riche en vocabulaire, complexe et s’adapte même aux personnages sans chercher à se travestir.