« Vous ne me trouverez pas sur Amazon ! », non à la conquête du marché de l’édition par les puissances financières et numériques

Titre : Vous ne me trouverez pas sur Amazon !
Auteur : Laurent Mauduit
Editions : Divergences
Date de parution : 23 février 2024
Genre : Essai

Que la presse soit devenue le nouveau jouet de quelques multimilliardaires est un secret de polichinelle. On le sait si bien qu’on ne s’offusque même plus de ce que leur monopole peut avoir comme conséquence sur la transparence et le pluralisme de l’information. Et pourtant, Mauduit nous prévient qu’il serait temps de redoubler de vigilance. Les ennemis du quatrième pouvoir, pivot de nos démocraties, ne sont plus seulement des hommes aux poches bien remplies. Ils prennent également la forme bien plus insidieuse d’outils numériques qui nous sont devenus indispensables. Et surtout, le terrain de jeu de ces prédateurs s’élargit. La presse ne leur suffit plus. Le monde littéraire est en proie à des restructurations oligarchiques, poussées à nouveau par les puissances financières d’un côté et numériques de l’autre.

Bref, Mauduit n’est pas là pour nous apporter de bonnes nouvelles. Bolloré détient Hachette, premier groupe d’édition français ainsi que l’un des principal acteur sur le marché du livre pédagogique, et qu’importe si Orwell se retourne dans sa tombe. Sa gourmandise est sans limite. Depuis 2018, il était déjà l’heureux propriétaire d’un autre leader sur le marché, Editis. Mais face à une telle injure à la démocratie, l’Europe s’est quand même réveillée. D’accord pour Hachette, mais l’oligarque se verra sommé de céder Editis… à Daniel Kretinsky ; homme d’affaires tchèque, partisan de l’extrême droite et grand ami de Bolloré. Et ce n’est rien à côté d’Amazon qui, avec la complaisance des maisons d’édition, devient le premier libraire du monde.

Face à Bolloré, Lagardère. Une poignée de capitalistes se partagent à eux seuls la quasi-totalité des médias français. Ils s’exercent au Monopoly en s’échangeant leurs groupes de presse comme s’il s’agissait de meubles dont ils se seraient lassés. À cela s’ajoute la fluctuation des droits voisins que Facebook et Google peuvent définir à leur guise et qui favorisent certains médias au détriment des autres. Sans parler de la vente des données qui se cache derrière la fausse gratuité de certains articles. Et bizarrement, la presse et son idéal de transparence se garde bien d’évoquer ces arrangements financiers.

Mais un homme qui n’a pas peur de parler, c’est Laurent Mauduit. Dans un monde qui crie aux fake news comme un poulet sans tête, il est d’autant plus primordial de savoir d’où nous parviennent les informations. Et d’après Mauduit, seuls quelques rares acteurs qui n’ont pas encore les poings liés peuvent le faire. Même s’il est important de les soutenir dans leur refus de plier, Mauduit a parfois tendance à tracter en faveur de certains. Un média en particulier trouve grâce à ses yeux. Ancien rédacteur de Médiapart, il prêche beaucoup pour sa chapelle. Il manque peut-être d’un peu de recul dans ses louanges autant que dans sa verve. On comprend sa colère. Mais souvent, l’affect ne sert pas le propos. Quoiqu’il en soit, personne ne pourra lui enlever la réelle plus-value que son livre apporte. Porte-parole contre la censure, sa publication ne tient qu’à l’insoumission de son auteur et de sa maison d’édition. Vous ne me trouverez pas sur Amazon ! est nécessaire à un monde meilleur. Ou simplement pour éviter le meilleur des mondes.