Style Congo. Heritage & Heresy au CIVA : ce qui se cache derrière l’Art Nouveau

Ayoh Kré Duchâtelet, Ornements et crimes, 2023, copyright Ayoh Kré Duchâtelet

Dans le cadre de Art Nouveau Brussels 2023, le CIVA présente une autre facette de l’Art Nouveau au travers de l’exposition Style Congo. Heritage & Heresy. Ainsi, des archives issues des collections du CIVA et des œuvres d’artistes contemporains de tous horizons mettent en exergue les liens étroits entre l’Art Nouveau belge et la colonisation du Congo.

Comment l’Art Nouveau, que l’on connaît surtout au travers de ses courbes architecturales fantaisistes, et le Congo peuvent-ils se rejoindre ? Pour comprendre cette dynamique, retournons à la fin du XIXe siècle : l’Art Nouveau fleurit en Belgique au même moment où Léopold II assied sa domination sur les terres congolaises. Ainsi, des architectes comme Victor Horta trouvent directement en provenance de la colonie belge le bois nécessaire aux constructions des intérieurs Art Nouveau. De plus, les motifs issus du Congo exercent une fascination « exotique » sur les artistes de l’époque, cette attraction aura une grande influence sur leur production. C’est ce qu’on appellera le « style Congo ». Ainsi, sur cet arbre noueux qu’est l’histoire belge, deux branches s’entrelacent : celle de l’Art Nouveau et celle du passé colonial. 

« Congolisation »

Au centre de l’espace se dresse la pièce maîtresse : il s’agit d’une imposante installation du collectif d’architectes belges Traumnovelle, intitulée Congolisation. Sur des grilles en métal qui rappellent les réserves d’archives du CIVA, sont suspendus des documents qui montrent l’évolution des représentations du Congo lors des foires internationales entre 1885 et 1958. Ce long travail de recherches se base notamment sur les nombreux fonds d’archives laissés par les architectes, tels qu’Horta, Hankar ou Lacoste, qui ont œuvré à la construction des pavillons congolais présentés aux expositions universelles. 

Paul Hankar, Exposition congolaise de 1897 (couverture), 1897, 47×40 cm, copyright CIVA

Sur un des murs adjacents, on découvre l’intéressant travail de Chrystel Mukeba. La jeune artiste a pris en photo des Belges afro-descendants dans des lieux emblématiques de l’Art Nouveau à Bruxelles, comme l’hôtel Van Eetvelde. Au sein de la légèreté du décor, la photographe veut surtout poser de sérieuses questions identitaires : à qui finalement appartient ce patrimoine ?

Chrystel Mukeba, Leonie Ngoie, hôtel Van Eetvelde, 2022, copyright Chrystel Mukeba

Du côté des artistes internationaux, on soulignera la captivante installation vidéo de l’Américaine Judith Barry et la série de dessins de l’artiste péruvienne Daniela Ortiz. Celle-ci imagine avec un certain humour noir l’histoire des plantes importées en Europe durant l’ère coloniale.

Le projet « Living Traces »

Style Congo. Heritage & Heresy fait partie d’un plus vaste projet appelé Living traces, une collaboration artistique entre Bruxelles et Kinshasa qui avait déjà donné lieu à l’exposition Kinshasa (N) Tonga : entre futur et poussière à Kanal-Centre Pompidou. Ainsi, c’est au tour des cimaises du CIVA de dresser des ponts entre la capitale belge et congolaise. Au sein du parcours bruxellois sur l’Art Nouveau, cette exposition enrichissante se démarque par l’originalité du point de vue adopté et soulève avec dextérité une question fondamentale : quelle est la part d’hérésie dans notre héritage culturel ?