Pop Aye, film-éléphant

Pop Aye

de Kirsten Tan

Drame

Avec Thaneth Warakulnukroh, Penpak Sirikul, Chaiwat Khumdee, Yukontorn Sukkijja

Sorti le 5 juillet 2017

Architecte proche de la retraite et dépassé par l’évolution de son secteur, Thana retrouve par hasard, dans les rues de Bangkok, Pop Aye, l’éléphant avec lequel il a passé toute une partie de son enfance à la ferme de son oncle. Pris d’un élan nostalgique, il se met en tête de parcourir la Thaïlande en compagnie de Pop Aye, pour retrouver ce paradis perdu de l’enfance et opérer un retour aux sources qu’il espère revigorant.

Du cinéma thaïlandais, on sait assez peu de choses ici en Europe, si ce n’est à travers les films d’Apichatpong Weerasethakul, dont le travail unique et expérimental est probablement peu représentatif d’une cinématographie nationale industrielle ou institutionnelle. Il est difficile de dire si c’est le cas de celui de Kirsten Tan, mais ce Pop Aye semble en tout cas s’inscrire dans une mouvance beaucoup plus « mainstream », s’ancrant dans un type cinéma d’auteur institutionalisé et mondialisé, qui tend à avoir peur de l’étrangeté ou de la marge.

Le film avait pourtant de quoi intriguer, principalement par l’utilisation d’un animal fascinant au physique démesuré. L’éléphant est une créature pleinement cinématographique, à la fois ogresque et innocente, dont l’aspect en fait une sorte d’entité mystique – aidée par toute une mythologie cinéphilique fantasmée qui lie son nom à des cinémas aussi divers et allusifs que ceux de David Lynch (Elephant Man) ou de Gus Van Sant (Elephant).

L’éléphant en tant que corps physique représente en outre un véritable défi en termes d’images et de questionnements esthétiques, l’enjeu de cinéma étant de se demander comment inclure une telle forme, une telle masse, dans le cadre de l’écran. Il pousse à passer constamment d’une échelle de plans à l’autre, de plans larges l’incluant dans l’étendue du paysage – et mettant en évidence le rapport de taille avec la personne humaine qui le côtoie dans le cadre – à de très gros plans mettant en évidence des détails précis de son anatomie et captant ainsi des tressaillements qui seraient sinon presque imperceptibles.

De façon très pratique, Kirsten Tan est bien obligée d’en passer visuellement par cette démarche, mais jamais elle ne semble la mettre en perspective, en isoler un sens ou une transcendance particulière. Elle est bien trop obnubilée par son personnage d’homme mûr en pleine crise existentielle, dont la remise en question ne dépasse malheureusement jamais une nostalgie passéiste banale et assez gênante. Pop Aye se contente donc d’exécuter un road-movie épisodique et édifiant, et passe à côté d’un passionnant sujet de cinéma, cet éléphant utilisé ici comme une sorte de MacGuffin bien pratique, un prétexte à dérouler un scénario « standard », passe-partout, et à suivre un personnage pas franchement sympathique ni singulier.