Mourir la nuit, un récit-reportage au cœur de la Crim’

Couverture du livre « Mourir la nuit » d’Anne-Cécile Huwart (Onlit, 2019)

Titre : Mourir la nuit
Auteur : Anne-Cécile Huwart
Éditeur : Onlit
Date de parution : 6 novembre 2019
Genre : récit, témoignage, policier

Avec Mourir la nuit, la journaliste belge Anne-Cécile Huwart offre une immersion inédite dans les coulisses de la police criminelle. Ce récit factuel émaillé de réflexions personnelles fait s’entrecroiser deux meurtres commis en 2014.

Deux meurtres, deux enquêtes

Journaliste freelance, Anne-Cécile Huwart a obtenu l’autorisation de suivre le travail de la section Crimes de la police judiciaire fédérale (la DR6, aussi appelée la « Crim’ ») pendant près de six ans. Son but ? « Raconter une instruction judiciaire de l’intérieur, sans voyeurisme, dans le respect du secret de l’instruction et de la dignité des victimes et de leurs proches. »

Hasard du calendrier, deux meurtres sont commis à Bruxelles la même nuit. Le 3 février 2014, un assistant social de 56 ans, Jephté Vanderhoeven est retrouvé mort dans son appartement à Uccle. Dans le quartier nord, près de la station de métro Rogier, c’est le cadavre de Marek Adamsky, un sans-abri de 51 ans d’origine polonaise, qui gît à l’entrée d’un parking.

Une réalité sans fards

Bien que certains noms aient été modifiés par l’autrice pour respecter la vie privée des personnes concernées, tout ce qui est relaté dans le livre est véridique. Récit-témoignage plus que roman, Mourir la nuit se lit malgré tout de manière plus fluide qu’un essai, notamment grâce à l’alternance permanente entre les deux récits. Alors que la première moitié du livre plonge le lecteur dans l’enquête visant à identifier les coupables, la deuxième partie est consacrée aux deux procès en Cour d’assises. Il s’agit alors non plus de trouver les coupables, mais de déterminer l’étendue de leur responsabilité et la juste peine à leur infliger.

Coût des analyses ADN, recours à des experts psychiatres sous-payés, rôle de la juge d’instruction, sélection des jurés… Mourir la nuit n’occulte aucune des étapes clés des enquêtes pour meurtre. Loin des images fantasmées des séries américaines, Anne-Cécile Huwart donne à voir une réalité triste et complexe. Qu’est-ce qui amène un homme à tuer ? L’évocation de la misère et de la marginalité semble ici indissociable de la violence.

Un questionnement sur l’âme humaine

Si la narratrice s’efface souvent de son récit pour mettre en avant les faits bruts, elle s’autorise toutefois de temps en temps des commentaires personnels. Son empathie avec les victimes et leurs familles est évidente.

On regrette que le rôle de la police et la façon dont sont menées les enquêtes ne soient pas évoqués de manière plus critique. Cela n’est toutefois pas une surprise, vues les conditions dans lesquelles la journaliste a été autorisée à suivre les enquêteurs.

Au-delà de sa valeur documentaire, la lecture de Mourir la nuit offre au lecteur une occasion de réfléchir aux côtés sombres de l’âme humaine, aux limites entre le bien et le mal. C’est surtout en donnant la parole aux suspects comme aux proches des victimes que l’autrice offre un récit unique et marquant.

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