« Manhattan Transfer », âpreté de l’existence

Titre : Manhattan Transfer
Auteur : John Dos Passos
Editions : Folio
Date de parution : 16 février 2023
Genre : Roman

Figure iconique de la génération perdue, John Dos Passos a décrit dans ses nombreux romans – une quarantaine au total – l’Amérique de la première moitié du 20ème siècle, ses nombreuses dérives, son mode de vie turbulent et ses grandes désillusions, reflet d’une promesse qu’elle n’a pas toujours su tenir. Ainsi, dans Manhattan Transfer, en évoquant la vie de quelques personnages de différentes classes sociales, leurs espoirs et leurs désillusions, il nous plonge dans cet univers rude et sans pitié où seul quelques-uns, par la chance, la ruse et un esprit de compétition exacerbé, arriveront à se hisser pour un temps au sommet.

Il y a ceux qui y débarquent, s’y précipitent, s’y abandonnent. Il y a ceux qui en reviennent, désillusionnés. New York, la ville où chacun a sa chance… Orphelin issu d’une famille fortunée, Jimmy Herf est contraint de devenir journaliste ; George Baldwin, avocat, enrichit son cabinet grâce à une juteuse affaire de dommages-intérêts ; Joe Harland, qu’on surnommait le Sorcier de Wall Street, est fauché et alcoolique, tandis que la petite Ellen devient une comédienne à succès et prend un amant.

Fragments de vie

Manhattan Transfer évoque un nœud ferroviaire, un endroit où les gens se croisent sans laisser de traces, qui avale des millions de passagers pour en faire ressortir d’autres, à l’image de New-York qui façonne des destins, les broie ou, pour une infime partie d’entre eux, les sublime. Ce n’est pas une œuvre où l’on s’attarde sur un destin en particulier mais plutôt un roman où l’on récolte des fragments de vie ici et là, sur une période longue, pour faire ressentir aux lecteurs l’âpreté de la ville.

Vision sombre

Et le moins que l’on puisse dire, en analysant le langage utilisé, la récurrence des termes décrivant la misère et la pauvreté, c’est que la vision de l’auteur est loin de l’image fantasmée que certains se font des années 1920, souvent dénommée Les années folles pour son explosion créatrice sur la scène artistique notamment. Extrêmement critique, John Dos Passos rejoint en cela le constant d’autres auteurs comme F. Scott Fitzgerald qui dans son Great Gatsby nous montrait l’illusion derrière le mirage du rêve américain.

Œuvre qui avec sa trilogie USA fait partie des incontournables de la littérature américaine du 20ème siècle, Manhattan Transfer, quoiqu’ouvrage fictionnel n’en dépeint pas moins une réalité difficile, un mode de vie qui n’a pas beaucoup évolué depuis un siècle. Un témoignage à lire pour mieux comprendre cet immense pays fait d’innombrables contradictions.