Les Sept morts d’Evelyn Hardcastle, enquête interactive et complexe

Titre : Les Sept morts d’Evelyn Hardcastle
Auteur : Stuart Turton
Editions : Sonatine
Date de parution : 16 mai 2019
Genre : policier, fantastique

Au domaine de Blackheath, propriété de la famille Hardcastle, un meurtre – celui d’Evelyn Hardcastle – va avoir lieu ce jour-là, à 11 heures du soir. Condamné à revivre éternellement cette journée, dans le corps d’un hôte différent à chaque nouveau réveil, le dénommé Aiden Bishop a pour consigne de trouver le nom du meurtrier afin de pouvoir sortir de cette boucle infernale. Devant référer des avancées de son enquête à un mystérieux homme masqué, et poursuivit par un valet de pied psychopathe qui semble avoir pour unique but de le trucider, Bishop doit également jouer contre deux autres personnes enfermées dans la boucle, lesquels recherchent aussi activement que lui la solution de l’énigme.

Présenté en quart de couverture comme un mélange astucieux entre Agatha Christie, Downton Abbey et Un jour sans fin, Les Sept morts d’Evelyn Hardcastle fait en effet entrer beaucoup de genres et d’influences en ligne de compte, ce qui le rend à la fois extrêmement riche et stimulant mais aussi profondément déroutant. Tel que résumée ci-dessus, l’intrigue est potentiellement d’une complexité rebutante pour certains, mais s’avère en réalité encore bien plus retorse, d’autant plus qu’elle ne se dévoile qu’au gré de la lecture.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Stuart Turton pousse très loin le bouchon de l’immersion dans lequel il veut mettre son lecteur. Tout comme Aiden Bishop, ce personnage plongé malgré lui dans une enquête interactive, le lecteur du roman ne découvre les tenants et aboutissants de la mécanique du jeu et des implications de l’intrigue qu’à tâtons, aux détours d’interactions répétées et parfois presque incompréhensibles entre de nombreux personnages.

En cela, le roman n’est probablement pas pour tout le monde, exigeant une certaine dose d’endurance et d’entrainement à côtoyer des univers tels que ceux qu’il charrie. Il n’est d’ailleurs pas exclu que des lecteurs aguerris aux romans policiers anglais de style classique ne soient totalement déboussolés par l’aspect fantastique, voire SF, que déplie celui-ci. Pour son premier roman, Stuart Turton n’a certes pas choisi la facilité – on n’ose imaginer les plans de travail préalables à la construction d’un tel casse-tête narratif – mais il a parallèlement choisi de soumettre ses lecteurs à l’effort, au défi constant.

Pour qui aura le courage et la persévérance de parcourir les dédales du livre, de parfois relire certains passage pour être sûr d’avoir tout saisi, d’opérer une gymnastique intellectuelle constante pour faire des ponts entre divers éléments où pour replacer tel personnage dans tel contexte, la lecture des Sept morts d’Evelyn Hardcastle sera, in fine, un plaisir de fin gourmet, qu’il terminera avec la même satisfaction qu’un « gamer » arrivant tant bien que mal au bout d’un jeu vidéo particulièrement ardu.