Une semaine au Festival OFF d’Avignon : Cinquième jour

Le Festival OFF d’Avignon accueille chaque année plus de 1500 spectacles dans les divers théâtres permanents et surtout éphémères qui s’installent dans le centre ville entièrement consacré au spectacle. Au milieu de ces nombreux spectacles, il est toujours difficile de faire un choix et la sélection se base souvent sur divers critères moyennement objectifs : une affiche dans la rue qui intrigue, une page au hasard prise dans le programme (véritable bottin téléphonique de pièces), un flyers donné par la troupe déambulant dans la rue ou plus simplement les sujets qui nous attirent le plus. Parfois ça paye mais tout n’est pas magique à Avignon et malgré la volonté de faire les meilleurs choix, on n’évite pas les mauvaises rencontres. Avec un peu de hasard et de chance, nous avons donc vogué de théâtres en théâtres. Retrouvez dans nos pages, le compte-rendu de nos aventures.

Semeurs de Rêves à 9h55 au théâtre Au Coin de la Lune.

Deux utopistes interprétés par Charlotte Clément et Stefan Mandine, se promènent de villages en villages pour perturber le quotidien des habitants. Ces deux nomades s’installent dans une maison vide de Griseville, mais les Grisevillois ne semblent pas apprécier leur venue. Les deux jeunes itinérants vont séduire les enfants à l’esprit plus faible pour amplifier leurs rêves utopiques et bouleverser la vie de ce village. Ils vont par exemple transformer un garçon en vegan et celui-ci va alors tout faire pour supprimer la ferme d’élevage de sa mère. Une fillette va vouloir devenir pirate sur un lac voisin et un autre enfant va devenir guitariste. Après avoir perturbé la vie des Grisevillois, les deux utopistes repartiront vers un autre village dans l’espoir de chambouler l’esprit d’autres enfants. Un spectacle avec chants, guitare, figurines et une magnifique animation sur écran. Une belle aventure très actuelle des traditions ancestrales contre les protestations marginales. C.M.

Notes : 

Christophe Mitrugno 6/10

Buveurs très illustres et précieux vérolés à 11h à la salle de théâtre Roquille. 

Une fois entrés, nous allons nous installer pour profiter du spectacle. Face à nous, Rabelais qui déguste quelques fruits et sirote du vin. C’est l’occasion de nous exposer plusieurs anecdotes cocasses qu’il aurait entendues où même vécues. Un texte riche en humour, en expressions pittoresques et en vivacités. Messire Rabelais est un bon vivant et il ne cesse de le prouver. Nous vivons chacune de ses histoires comme si on y était et les paroles sont loin d’être délicates, pour que les récits soient plus réels encore. Comme lorsqu’il décrit une bagarre, « Et du bout d’un bâton, j’ôtai les tripes de son cul, directement entre les deux couilles ! ». Et pour agrémenter cette belle rencontre, Rabelais offrira un petit verre de vin à tout le public. Nous trinquons à ce penseur, à la vie, à nous ! C.M.

Notes : 

Christophe Mitrugno : 7/10

Un sac de billes à 13h10 au Théâtre l’Arrache-coeur

Qui n’a jamais entendu parler des ravages de la guerre, du nazisme et de la persécution des juifs ? Mais qui a su trouver les mots pour exprimer toute la profondeur de ce drame, encore si présent de nos jours ? Joseph Joffo a su. Et ce sont ses mots qui ont guidé la Compagnie Théâtre Des Bonnes Langues dans leur interprétation si juste d’Un sac de billes.

Nous sommes en 1941. Les allemands occupent Paris, laissant libre court aux rafles du parti nazi. Dans une France où les croyances peuvent symboliser la mort, nombre de familles sont persécutées, séparées de leurs pairs, forcées à fuir leur propre vie, espérant atteindre une zone libre qui ne le restera pas longtemps. A travers la voix de James Groguelin, nous nous trouvons plongés au coeur de la France occupée, aux côtés du jeune Joseph, 10 ans, qui fuit la capitale en compagnie de son frère Maurice, 12 ans. Leur épopée nous transporte dans un monde où la folie des hommes peut presque s’effacer face au regard innocent d’un enfant, ou simplement d’un être humain, un semblable.

Grâce à l’interprétation émouvante de l’acteur, seul en scène, nous pouvons avancer en toute sécurité auprès du jeune Joseph, sans craindre de se perdre en chemin, mais au risque de se trouver submergé par ses questionnements, ses doutes et ses peurs. Au centre d’une myriade de valises, James Groguelin nous fait vivre un véritable voyage initiatique dans l’esprit d’un enfant qui donnerait tout pour ne pas être réduit, par la guerre, à son statut de juif, et qui n’hésite pas à échanger son étoile jaune contre un sac de billes. A.L.N.

Tout Molière… Ou presque ! à 14h35 au théâtre La Luna.

Le concept est simple : jouer toutes les œuvres de Jean-Baptiste Poquelin en moins d’une heure et dix minutes. Damien Coden, Cédric Miele et Mathilde Puget vont alors endosser, à tour de rôle, tous les personnages que nous pouvons retrouver dans chacune des pièces. Le vieux hypocondriaque et avare qui se fait toujours berner par les autres. Sa fille qui va séduire le beau-gosse que son père n’aime pas mais finit par accepter. La servante très futée qui va passer son temps à se moquer de son maître et à le voler ou lui faire changer ses plans à son avantage. Un méchant qui veut profiter de la fortune du vieux et bien entendu, un jeune homme qui va conter fleurette à la fille du vieux. Les trois comédiens vont jongler entre tous ces personnages avec un dynamisme bluffant et une très belle complicité. Ils embarqueront également le jeune public pour agrémenter leurs effets comiques. Ce spectacle époustouflant arrive à recréer une trame à partir de la plupart des œuvres de Molière en fonctionnant comme un puzzle. Mais alors ? Molière n’aurait aucune originalité ? Il aurait simplement modifié le nom de ses personnages mais pas leurs particularités ? « Mais que Diable allait-il faire dans cette galère !? ». C.M.

Notes : 

Christophe Mitrugno : 8/10
Loïc Smars : 7/10

Dis, comment ce sera quand je serai grand à 16h45 à l’Espace Alya.

Pour pouvoir apprécier ce spectacle de marionnettes, il est obligatoire de laisser son âme d’adulte dehors. Nous entrons donc dans l’univers du petit Valentin et de son doudou Kascaya. Suite à une maladresse, ils cassent l’instrument de musique qui les fait rêver. Les deux amis vont donc devoir voyager dans l’imaginaire pour récupérer trois cordes magiques. Très proche des péripéties du Petit Prince, Valentin va rencontrer des personnages farfelus qui lui donneront quelques idées sur la vie et ses difficultés. Le seul problème est qu’on ne comprend pas bien la place du titre dans cette quête. Une chance, quelques minutes avant la fin de l’histoire, le petit Valentin demande à sa marionnettiste : « Dis, comment ce sera quand je serai grand ? ». Michèle Albo lui répondra : « Sans moi, tu ne serais pas grand-chose. Mais sans toi, c’est moi qui ne serais pas grand-chose ! ». La place de la marionnettiste est mise en avant tout au long de l’aventure et elle fait partie intégrante de l’aventure. C.M.

Notes :

Christophe Mitrugno : 7/10

Gainsbourg confidentiel à 16h50 au Collège de la Salle

S’attaquer au mythe Gainsbourg n’est pas une mince affaire mais Stéphane Roux s’y risque. Assis dans un fauteuil avec une cigarette et un verre d’alcool, il se lance dans le récit du début de la carrière de Serge Gainsbourg. Il ponctue sa narration de plusieurs chansons phares, accompagné de deux musiciens. L’originalité de ce spectacle est de ne pas traiter de la période la plus connue du chanteur mais de s’axer principalement sur ses premiers albums, plus confidentiels, plus jazzys, des titres qui ont forgé l’identité du compositeur-interprète dans les années 50 et 60. Il est intéressant de redécouvrir cette période plus méconnue que les tubes qu’il a ensuite réalisé et Stéphane Roux, malgré une voix abîmée par l’air conditionné, réussit à envoûter le spectateur par son interprétation vocale très proche de celle de l’artiste auquel il rend hommage. L.S. 

Notes : 

Loïc Smars : 7/10

Moi, Landru, amoureux des femmes à 19h10 à l’atelier 44 

Un homme (Manuel Pratt) prend note, installé à une table. Le public se demande directement qui il est. L’avocat de Landru ? Son juge ? Un policier ? Car, on ne va pas se mentir, nous sommes là pour voir le procès de Landru et pour en savoir un peu plus sur ce personnage énigmatique qui a tant fait parler de lui dans la presse du début du 20ème siècle, lorsqu’il fut condamné pour le meurtre de onze personnes. Manuel Pratt joue la conscience de Landru qui vient justement d’arriver sur scène en la personne de Jean-Marc Santini. Ils vont discuter ensemble au sujet de son enfance, de sa femme, de ses enfants, mais surtout de son talent de séduction sans jamais avoir la moindre explication macabre. Et nous allons avoir un cours directement expérimenté sur les femmes du public pour comprendre comment cet homme arrivait à plaire à autant de femmes et si facilement. Après une heure de discussion schizophrénique, Landru a réussi. Le public est totalement séduit et il éprouve une grande sympathie pour ce psychopathe. Nous serions presque tentés de prendre sa défense. Quitte à finir dans un four… C.M.

Notes : 

Christophe Mitrugno : 8/10

Un Champ de Foire à 20h50 au théâtre Arto 

En passant devant le théâtre Arto, nous avons croisé la comédienne Laure-Estelle Nézan, « On la connaît !? Mais d’où ? » et là, une chanson de Brassens vient s’allumer dans nos souvenirs « En ce temps-là, je vivais dans la Lune… ». Nous l’avions rencontrée en muse en 2016 dans  Brassens, lettres à Toussenot au théâtre des Lila’s pour la compagnie Je Suis Ton Père. Le temps de vérifier si cette compagnie jouait bien à Avignon et nous voici au guichet pour aller voir Un Champ de Foire, la nouvelle création de Vincent Mignault. Il n’y a rien de mieux pour terminer notre expédition au festival d’Avignon que de profiter d’une troupe dont le talent n’est plus à prouver. Les rideaux s’ouvrent, nous voici dans une maison familiale qu’il va falloir vider de tous ses souvenirs. Pour le déménagement, deux sœurs, un frère et leurs compagnons et compagne respectifs. Seulement, la tension déborde directement. Une vieille querelle de sororité refait surface car June (Noémie Fourdan) est en couple avec l’ex-copain (Nicolas Fumo) de sa grande-sœur Alice (Laure-Estelle). Un récit familial qui plait par sa simplicité et qui fait éclater de rire par des dialogues percutants. De beaux personnages, de la tendresse au milieu d’une colère rendue vraie et une troupe en symbiose totale. Comment ne pas se régaler dans toute cette foire ? Vivement leur prochaine création ! C.M.

Notes : 

Christophe Mitrugno : 9/10

La dernière bande à 21h30 au Théâtre des Halles

Il est parfois utile pour certains de lire le résumé de ce que l’on va voir car La dernière bande a dérouté pas mal de spectateurs. De notre côté, on a évité soigneusement de se renseigner sur la thématique de la pièce, se contentant de lire deux noms clés : Denis Lavant et Samuel Beckett. Il est important de savoir que le texte écrit par Beckett est une succession de silence, de didascalies et de fragments de monologues. Les 15-20 premières minutes du spectacles sont ainsi silencieuses et avares en mouvements. Que ce soit au sujet de Beckett, auteur majeur surréaliste ou au sujet de Denis Lavant, acteur total et parfois aux limites de la folie, on frôle en permanence le coup de génie et l’ennui mortel. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas enlever à Denis Lavant la force avec laquelle il assume le concept de la pièce et la radicalité avec laquelle il s’investit dans son personnage. L.S.

Notes : 

Loïc Smars : 7/10

Anouck Le Nué, Christophe Mitrugno, Loïc Smars

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Journaliste du Suricate Magazine

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