Carnage, la rage d’une jeunesse désoeuvrée au Varia

De Aurélien Labruyère, Hélène Beutin, Clément Goethals. Avec Angèle Baux Godard, Lucile Charnier, Léonard Cornevin, François Gillerot, Alex Jacob, Adrien Letartre et Brieuc Dumont, Esther Waters, Marina Misovic, Florence Marchand, Aurèle-Hadrien Gérard, Sarah Koscinski, Olivia Murrieri, Romane Savoie, Léa Siniscalco, Annelies Keyers, Alison Rabillon, Alexandre Vanschrieck, Yasmine Tayach, Nell Geeraerd. Du 11 au 22 février 2020 au Varia. Crédit photo : Serge Gutwirth

Après Et la tendresse qui abordait la perdition et avant Billie & Gavriil qui traitera de l’amour, Carnage est le deuxième volet d’une trilogie sur la jeunesse proposée par la compagnie FACT (initié par Aurélien Lebruyère, François Gillerot, Clément Goethals et Jean-Baptiste Delcourt), qui explore la rage. Pour ce projet, Hélène Beutin, qui bosse depuis le début pour la compagnie, travaille pour la première fois en duo à la mise en scène avec Clément Goethals. Carnage est né d’un fait divers qui a vu un jeune reclus de la société, mourir dans sa tente et d’un documentaire racontant l’histoire de Jean-Benoît, un jeune de 17 ans qui vit de foyer en foyer et qui a pour passion les moteurs. Pour apaiser sa colère, il prend sa voiture et tourne en rond dans la forêt. Ce personnage central du documentaire s’explique en prenant cette image : « Avec ma voiture j’vais en forêt puis j’fais des tours. Ça s’appelle carnage. C’est pareil. J’fais carnage avec la voiture, j’fais carnage avec ma vie ».

A partir de là, le projet raconte la vie de six jeunes aux personnalités multiples qui errent aux abords d’une zone périurbaine, ressemblant à des chiens errants, abandonnés et frustrés, dans la nuit et le froid, submergés de désillusions, de rêves, de désirs mais surtout de rage. Durant une heure et demi, on va suivre leur errance au milieu d’une rave party qui semble ne jamais devoir s’arrêter.

Le spectateur est directement plongé dans cette ambiance malsaine, au pied d’un barrage, aux bords de grilles d’aération et au bruit sourd permanent. Les différents personnages nous livrent leurs pensées en allumant clope sur clope, perdus au milieu des autres jeunes désœuvrés, emmitouflés dans des vêtements cachant leurs visages au monde. Au fur et à mesure, on devine petit à petit les personnages qui commencent à manifester leur individualité. D’une ambiance de rave party des années 90 et d’un climat très sombre, on arrive petit à petit à un éclairage brut et la parole est donnée froidement aux six protagonistes.

Si on ne reste pas indifférents à l’ambiance que la compagnie a réussi à mettre en place, on est un peu décontenancé par cette rave party assourdissante, nous plongeant 20 ans en arrière. Mais c’est quand la parole est donnée aux individualités que tout prend son sens et que l’on est happé par la sensibilité du texte. Du point de vue de l’interprétation, les comédiens et les nombreux figurants exécutent un ballet fantomatique collant parfaitement avec l’ambiance voulue mais on retiendra surtout la présence sur scène et la puissance de François Gillerot (et son interprétation de You’ll never walk alone, le chant iconique des supporters de Liverpool) et l’ombre dérangeante d’Alex Jacob, chanteur du groupe Skeleton Band.

Si on a parfois l’impression d’assister à un retour dans les années 90 et qu’il faut un peu de temps pour comprendre le but du spectacle, on ne peut pas nier que personne ne reste indifférent à cette ambiance si particulière qu’ils arrivent à mettre sur scène. Du côté de l’interprétation, on peut être perplexe face aux chorégraphies animales et frénétiques mais on s’incline devant la puissance de certains comédiens et un texte souvent percutant.

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine