Sermilik, là où naissent les glaces

Scénario : Simon Hureau
Dessin : Simon Hureau
Éditeur : Dargaud
Sortie : 20 mai 2022
Genre : Roman graphique

Dans Sermilik, là où naissent les glaces, Simon Hureau raconte l’histoire de Max Fontaineau. À 18 ans, ce jeune homme décide de réaliser son rêve et se détourne d’une vie de médecin toute tracée. Il part s’installer à Tiniteqilaaq, petit hameau de 80 habitants dans le fjord de Sermilik, au Groenland, où il s’initie aux pratiques de chasse et crée une famille.

Les Inuits face à la modernité

Claude Lévy-Strauss, célèbre anthropologue auteur de Tristes Tropiques, dépeignait déjà, dans les années 50, des contrées lointaines et reculées où les enfants portaient des t-shirts Adidas. Max, parti pour devenir chasseur, se forme durant 10 ans, avant de voir son pays d’adoption se transformer et son métier devenir désuet. Le voici maintenant seul professeur de la ville, à enseigner aux enfants de ceux qui lui ont tout appris un peu de cet art ancestral en train de disparaître, en mêlant cours classique et pédagogie du terrain.

C’est là où la BD de Simon Hureau touche juste. Voir son héros, cet étranger, évoluer dans ses réflexions fait de Sermilik une belle histoire sur la transmission des apprentissages dans une société mondiale uniformisante. Son rapport aux chiens, qui est celui d’un citadin européen, si différent de celui des Inuits chez qui il a atterri, est très prégnant durant les 200 pages et révélateur d’un monde de la survie en voie d’être remplacé par le monde moderne du confort.

Un début d’histoire un peu plat

Cette partie réfléchissant à l’héritage humain qu’on se partage ou/et qu’on oublie se développe dans la seconde moitié du récit. Avant cela, il aura fallu découvrir cet univers à travers des dialogues très enfantins, manquant de profondeur et de maturité. Ses choix de cadrage sont souvent anecdotiques. L’histoire de Max est racontée par des animaux qui parlent ou des objets inanimés. Les personnages énoncent parfois platement leurs ressentis, avec des mots trop simples. L’émotion est mise de côté, le réalisme aussi. Tout est surexpliqué, comme par manque de confiance de l’auteur en ses dessins aux traits peu élaborés et aux couleurs bleutées souvent statiques.

Simon Hureau est aussi bon pour retracer pédagogiquement ce monde qui change qu’il semble peu à l’aise à aborder le sujet de l’intime et se permettre de flâner. Excepté deux ou trois photos à la toute dernière page, on regrettera qu’il n’ait pas cherché à se mettre lui-même en scène, dans cet univers rude. Il faudra aussi attendre un certain temps pour voir de la poésie parsemer quelques pages du récit, même si on n’atteindra jamais la profondeur psychologique, humaine et existentielle qu’on peut retrouver chez Emmanuel Lepage et sa découverte de l’Antarctique.

En bref, Sermilik, peu ambitieuse dans sa narration ou ses dessins, laisse tout de même des traces derrière elle dans ce partage d’humanité qui disparaît.