[Avignon OFF 2023] La reconstitution d’une opérette écrite à Ravensbrück au Théâtre du Chien qui fume

De Germaine Tillion. Mis en scène par Claudine Van Beneden Avec Solène Angeloni, Angeline Bouille, Isabelle Desmeros, Barbara Galtier, Claudine Van Beneden, Raphaël Fernandez, Grégoire BerangerAu Théâtre du Chien qui fume à 10h30 du 7 au 29 juillet (relâche les mercredis).

Après avoir découvert cette opérette, écrite par Germain Tillion, au hasard d’achats de bouquins de poche sur le sujet, jamais je n’aurai cru que quelqu’un essayerait un jour de l’adapter, tant son humour noir, peu adapté à une période historique abordée plutôt avec respect, a empêché Germain Tillion de le publier à l’époque. Pourtant, pour la deuxième année consécutive, la Compagnie Nosferatu a tenté le pari ! Il n’est pas question ici d’aborder le sujet d’une opérette comique écrite dans les camps d’un point de vue historique et d’apprendre au public comment il a été écrit. Pas de places, hormis une courte voix off au début et à la fin, aux explications mais plutôt une adaptation en tout point fidèle des écrits de Tillion.

Si l’autrice résistante n’a pas pu finir son opérette, ce n’est pas vraiment un problème car la trame n’est pas essentielle. Le plus important c’est la précision avec laquelle l’autrice, aussi ethnologue avant d’être enfermée, réussit à expliquer le fonctionnement du camp de concentration de Ravensbrück. Le premier personnage présenté est un ethnologue allemand qui compte présenter la race des Verfügbar (le nom de l’opérette est Le Verfügbar aux Enfers), qui désignent les travailleuses de camps de concentration qui n’étaient pas affectées à un commando de travail spécialisé et à qui on pouvait donner toutes les tâches les plus pénibles du camp. Ensuite, on retrouve plusieurs prisonnières comme Nénette, Titine, Lulu de Belleville, Marmotte, Havas qui serviront de témoins à tout ce qui est dit mais qui seront aussi celles qui chanteront les chansons écrites par Germain Tillion d’inspirant des souvenirs de chansons de l’époque ou des airs suggérés par ces co-détenus (qui ont participé aussi activement à la création de l’œuvre).

C’est justement ce qui impression en découvrant ce spectacle : la précision du fonctionnement du camp, des tristes personnages qui le régissent et l’humour noir qui n’a pas pris une ride à l’heure actuelle. Au vu de la qualité des textes, des chansons, des situations, des gags, on a du mal à croire que cette opéra-bouffe a pu être écrite dans un camp au milieu de la souffrance. On  se rend compte à quel point la volonté de l’autrice a pu être un acte de résistance fou. Le spectacle, mis en scène par Claudine Van Beneden, en plus de proposer un exercice de style inédit, réussit aussi à ravir les spectateurs par le talent déployé par les comédiennes et le musicien qui les accompagne. A découvrir de toute urgence !

A propos Loïc Smars 484 Articles
Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine