Festival Millenium : « Demi-vie à Fukushima » de Mark Olexa et Francesca Scalisi

Demi-vie à Fukushima

de Mark Olexa et Francesca Scalisi

Documentaire

Après l’explosion de Fukushima, il y a eu les cris, la terreur ; aujourd’hui, il ne reste rien d’autre que le silence. Le silence et Naoto. D’ici les cent mille ans qu’il faudra à la terre pour qu’elle ne contienne plus une trace de radioactivité, Naoto sera mort, son autruche aussi et ses champs auront probablement été anéantis par un nouveau tsunami. Pour autant, le dernier habitant de Fukushima ainsi que son père, résistent. Même si il n’y a plus que l’absence pour leur tenir compagnie, la vie continue de suivre son cours. Au rythme des directives sanitaires du gouvernement beuglées par des hauts parleurs rouillés par le temps, Naoto continue de nourrir son bétail, de s’occuper de ses champs et de respecter la circulation, même s’il est le seul sur la route. Comme si la routine de la banalité du quotidien était la seule arme possible pour ne pas sombrer dans la folie de la solitude.

Aux lendemains du 11 mars 2011, Fukushima est classée zone rouge. L’échelle de l’INES va de 0 à 7, « l’accident » évalué niveau 7 est le plus élevé de toutes les catastrophes nucléaires. Devenue ville fantôme, le gouvernement a mis en place un programme de nettoyage où tous les débris, toxiques ou non, sont stockés au cœur de la ville désertée. La tâche est vaine, chaque fois qu’un vent souffle, il renvoie les poussières toxiques sur les terres et les sacs qui ne peuvent être détruits s’entassent jusqu’à former la frontière de la zone paria. Naoto dérange, parce qu’il est encore et toujours là, là où tous ont fui.

Avec Demi-vie à Fukushima, on pourrait croire à une de ces fictions post-apocalyptique, mais nous sommes bel et bien sur terre. La nature envahissante obstrue le cadre et reprend peu à peu ce qui lui revient de droit, comme vengeance du mal invisible qui la ronge. Naoto, lui, a décidé de ne pas céder à la panique, ou peut-être s’est-il simplement résigné, la répétition du geste a remplacé les mots, mais une chose est sûre, Naoto finira sa vie ici, dans ses terres.

A propos Audrey Lenchantin 56 Articles
Journaliste du Suricate Magazine