Final Cut : l’amour d’une fille pour son père disparu

© Marie-Françoise Plissart

De et avec Myriam Saduis accompagnée de Pierre Verplancken ou Olivier Ythier. Du 23 mai au 27 mai 2023 au Le Vilar.

Cela peut sembler être un lieu commun mais il est un fait que nous venons tous de quelque part. C’est ce que l’on pourrait appeler : nos origines. Le sang qui coule dans nos veines est l’union de deux patrimoines génétiques : celui d’un père et celui d’une mère. Myriam Saduis s’est vue amputé de l’un des deux par l’autre moitié. Est-il nécessaire de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va ? A quel moment de l’existence les secrets dont nous sommes issus nous paraissent intolérables ?

Née d’une mère européenne (italienne) et d’un père arabe (tunisien). La jeune Myriam se verra très tôt privée du souvenir de l’homme qui l’a élevé jusqu’à ses trois ans. Son nom d’origine : Saâdaoui. Transformé en Saduis par l’entremise de quelques démarches administratives, vestiges de la volonté d’une mère de gommer les origines étrangères de son enfant dans son nouveau pays d’adoption : la France.

Un récit authentique

Final Cut raconte l’histoire d’une jeune fille devenue femme, Myriam Saduis, autrice et comédienne, retraçant le fil de sa vie à contretemps dans une autobiographie rédigée à blessures ouvertes. La mise en scène réalisée en collaboration avec Isabelle Pousseur met son interprète en pleine lumière. Elle partage la scène avec Pierre Verplancken ou Olivier Ythier, en alternance.

Ce père absent, elle n’aura aucune information sur son identité jusqu’à la mort de sa mère. Cette dernière devenue paranoïaque et schizophrène lui aura laissée pour tout héritage un paquet de lettres usées, seul lien tangible avec l’homme qu’elle cherche tant. Le sort s’est acharné sur Myriam qui se trouve privé de retrouvailles à tout jamais. En effet, avant la disparition de sa mère, engluée dans les chaines toxiques familiales, elle apprendra le décès soudain de son père mort d’un cancer du foie quelques années plus tôt.

Cette histoire raconte la vie d’une femme qui aura toute son existence tenter de mener l’enquête sur ses origines, cette pièce manquante à son puzzle. C’est à travers l’écriture et le théâtre qu’elle trouvera la catharsis nécessaire. Un vaisseau vers la paix intérieure, celle qui ne serait pas teinter du manque, de l’absence et du regret. En devenant ainsi narratrice de sa vie, elle devient maitresse de son destin et non plus victime des choix qui lui ont été imposé. C’est un récit touchant, viscéral, dont on sent l’écriture influencée par l’œuvre de Marguerite Duras. L’autrice avouera sur scène son amour pour la célèbre écrivaine. On y sent le respect mais aussi l’hommage.

Place à la scène

La pièce avait reçu deux récompenses lors de la cérémonie des Prix Maeterlinck de la Critique en 2019, celui de meilleur spectacle et de meilleure comédienne. C’est donc avec beaucoup d’attentes que nous nous sommes dirigés au théâtre « Le Vilar » pour la reprise de la pièce.

Dures sont certainement les « premières » de spectacles ayant connus de si grand succès. Peut-on parler de pression ou de fatigue. Toujours est-il que certains éléments sont venus parasiter cette représentation. Dès l’ouverture de la pièce, nous avons ressenti une forme de désaccord, de désharmonie, comme une distance dans le jeu de Myriam Saduis. Le texte que l’on entendait, emplies d’émotions et de confessions, était délivré avec une réserve et un mécanisme d’élocution parfois trop perceptible. Nous n’avons pas su déterminer si c’était un choix délibéré ou un acte manqué.

Toutefois, et malgré la sensation d’éloignement ressenti lors de la représentation, l’histoire nous a interpellé par sa grande véracité narrative. A cette histoire d’amoureux déchus, c’est toute l’histoire de la Tunisie qui nous ait conté, celle d’un racisme systémique aussi et d’une présence coloniale en territoire arabe. C’est aussi l’histoire de milliers de personnes qui ont cherché à trouver leur place dans le monde, un pied englué entre deux continents. Des métisses, apatrides, moitié l’un et moitié l’autre qui aujourd’hui revendiquent qu’une unité n’est pas nécessaire et qui militent pour la reconnaissance de leur double culture.

Nous vous invitons à partir à la rencontre de Myriam et de son histoire qu’elle continuera de raconter jusqu’au 27 mai au théâtre « Jean Vilar ». Une opportunité de découvrir une pièce qui connait un franc succès depuis maintenant presque quatre ans.