« Tom à la ferme », entre boue et tabous, évocation de l’homophobie en milieu rural

De  Michel Marc Bouchard. Mise en scène de Rodrigo Portella. Avec Armando Babaioff, Denise Del Vecchio, Gustavo Rodrigues, Camila Nhary. Du 12 au 16 mars 2024 au Théâtre National.

Se basant sur la pièce de Michel Marc Bouchard « Tom à la ferme », Rodrigo Portella (metteur en scène) entraîne le spectateur dans la campagne profonde, dans la boue au sens propre comme au figuré. Tom, jeune citadin, designer graphique dans une agence de pub, vient rendre visite à la famille de Guillaume, le compagnon qu’il vient de perdre inopinément dans un accident de voiture. La mère du défunt n’était pas au courant de leur relation privilégiée, elle pense qu’il était en couple avec Sara, malheureusement absente en ce moment de deuil. Il fait la connaissance de Francis, frère aîné du défunt, personnage viril et violent qui va l’entraîner dans une spirale infernale. Un spectacle interpellant, puissant, qui ne laissera personne indifférent.

Décor simple mais efficace : un grand plastique couvert de boue séchée, quelques seaux, on est indubitablement dans une ferme. On entend presque le meuglement des 48 vaches du cheptel. Tom rencontre la mère, Agathe : « Je suis Tom. Sa mort, ce n’était pas prévu. Je suis sensible, délicat ». Elle est contente qu’il soit là, elle ne savait pas que son fils avait un ami. Elle lui demande de dire un mot aux funérailles et constate qu’il porte son parfum. Arrive Francis, personnage autoritaire et sûr de lui. Homophobe, il impose à Tom de taire la relation qu’il entretenait avec Guillaume. La mère constate donc que la seule personne qui aurait dû venir n’est pas là. Il s’agit de Sara, la prétendue petite amie.

Petit à petit, Tom s’installe à la ferme et participe aux travaux quotidiens, totalement sous l’emprise de Francis. Une relation sadomasochiste s’installe entre les deux hommes, Tom acceptant la violence de Francis. Il découvre les secrets de famille, et décide d’appeler Sara, sa collègue, pour faire plaisir à Agathe qui rêve de rencontrer la pseudo-compagne de son fils.

La pièce, qui se déroule initialement au Canada, avait été portée à l’écran en 2013 par Xavier Dolan. Ici, on est au Brésil, pays homophobe par excellence. Armando Babaioff (Tom sur scène) a traduit la pièce en portugais, les dialogues sont donc surtitrés en français. Il a également adapté le thriller au contexte sud-américain. Les acteurs sont époustouflants (Armando Babaioff, Denise Del Vecchio, Gustavo Rodrigues et Camila Nhary). Beaucoup de vigueur, d’étreintes et même de violence dans le jeu des protagonistes qui entretiennent une relation pour le moins équivoque. Cette version est plus dense et plus brutale que celle de Xavier Dolan. Un spectacle terriblement impressionnant.