« L’Apocalypse heureuse », éclairer l’obscurité, de la page à la scène

De Stéphane Lambert. Mise en scène de Jean-Baptiste Delcourt. Avec Adrien Drumel, en alternance Salvador Defendini Siré & Solal Pollien Assoun. Du 12 au 24 mars 2024 au Théâtre des Martyrs.

« L’apocalypse heureuse » est une rencontre, une confrontation entre un adulte et l’enfant qu’il a été. La pièce est née d’une collaboration entre Stéphane Lambert, lauréat du Prix Rossel 2022 pour ce roman autobiographique, et Jean-Baptiste Delcourt, metteur en scène. Ce livre représente une tentative de reconstruction par l’écriture, une décision de « ne plus vivre l’histoire passivement ». Une histoire lourde, pesante, Stéphane Lambert a été un enfant abusé. Sur scène, on retrouve Adrien Drumel et sporadiquement, Salvator Defendini Siré ou Solal Pollien Assoun, jeune garçon qui incarne Stéphane, enfant. Un très beau texte, fidèle au roman.

Une cage de verre cassée, un homme à terre au milieu des débris, un rocher. Le décor évoque l’enfance brisée de Stéphane, victime d’un pédophile à l’âge de 10 ans. La pièce débute par le retour de Stéphane dans le quartier de son enfance, il vient consulter un médecin, l’adresse n’a pas été choisie au hasard.

Les évènements remontent à plus de vingt ans. Le pédophile s’appelle Alex, un ami des parents. Comme dans beaucoup de cas, cette période est caractérisée par le non-dit : « je priais pour que jamais rien ne se sache. Pourtant il aurait été si simple de savoir. »  Le silence, la dissimulation, ne font qu’aggraver les faits. Lorsque la famille est informée, c’est le mutisme qui prévaut. Viennent ensuite la séparation des parents, la maladie du père, les amants. Les faits restent gravés, omniprésents, « quelque chose m’empêchait de rentrer dans la vie ». D’où le recours à l’écriture comme outil de reconstruction.

Le texte est bouleversant. L’adaptation théâtrale demeure, à notre avis, trop proche du roman. Une grande douceur se dégage du spectacle, contraste saisissant avec un sujet aussi dramatique. Les quelques échanges avec l’enfant revêtent un caractère surnaturel, onirique, ce qui est le cas puisqu’on ne peut réellement échanger avec l’enfant que l’on a été. Adrien Drumel livre une performance remarquable, apportant une certaine fraîcheur à une histoire qui n’en a pas.