The Show d’Anna Nilsson au Théâtre de Poche

© Rawlinson

D’Anna Nilsson. Mise en scène de Régis Duqué, interprétation et création de Aliénor H., Jef Stevens & Yolaine Dooms.

Quel rapport entretenons-nous avec la compassion ? Sommes-nous insensibles à l’injustice dans le monde ? C’est sur ces questionnements que s’amorcent la pièce The Show d’Anna Nilsson.

Trois personnages burlesques, atypiques nous plongent dans une conférence imaginaire sur notre propension à ressentir de l’empathie envers les camps de rééducation politique de Corée du Nord. Il s’agit d’un collectif de circassiens, nommé « Petri Dish », qui vont tour à tour dans des moments chantés et dansés venir ponctuer des messages de propagande étatique. Nous sentons la patte du théâtre par l’absurde. Le fil peut être difficilement intelligible tant nous sommes projetés d’un univers à un autre.

La scénographie, composée de projections au sol et sur les murs, participe à cette odyssée surréaliste. A dire vrai, nous ne savons pas vraiment où nous nous situons. Les circassiens présents sur scène marquent par leur implication. Nous les voyons se tordre, suer, crier, se déshabiller, c’est une performance impressionnante qu’ils nous livrent. Leur engagement est total et mérite à lui seul des applaudissements.

Toutefois, le premier ressenti lors du déroulement de la pièce est l’inconfort. Nous sommes malmenés par la narration, par le mélange d’une chorégraphie sonore en simultanée avec un dialogue, etc. On tend l’oreille, on s’interroge, on entend des messages de propagande. En d’autres termes, nous sommes perdus. Nous ne voyons pas ce que nous nous attendions à voir et nous n’entendons pas ce que nous nous attentions à entendre. Au fil de la pièce, on nous conte régulièrement des récits pleins d’horreur, nous imposant de visualiser des scènes de bébés massacrés, d’exécution, de violence, de contrainte. A tel point que nous nous sommes interrogées sur le but de cette mise en scène pour le moins perturbante. L’inconfort n’était-il pas l’objectif ? Est-ce que finalement le but de cette mise en scène n’était pas de faire ressentir plutôt que de penser ? Et si le meilleur moyen de parler d’un régime de souffrance n’était il pas de faire ressentir une forme de souffrance ? Nous pensons que l’objectif premier était d’entrer dans une optique immersive d’un régime totalitaire en faisant ressentir au spectateur l’angoisse, la peur, l’inconfort, le sentiment d’être perdu, de ne pas comprendre, d’être contraint et le pari est gagné.

The show est un ovni, une prise de risque, une proposition originale sur la manière de traiter des sujets politiques sur scène. Nous sommes très loin des cadres conventionnels. Nous sentons que l’objectif était de nous bousculer pour finalement au terme d’un parcours émotionnel nous reconnecter à nos sens. Pour nous permettre peut-être de retirer nos œillères trop longtemps portées ?