Greenville au Rideau de Bruxelles jusqu’au 12 février

© Alice Piemme / AML

De Régis Duqué, avec Nicolas Buysse, Daphné D’Heur, Cédric Juliens, Eno Krojanker et Renaud Van Camp. A voir jusqu’au 12 février au Rideau de Bruxelles.

Greenville débute dans une ambiance intimiste, intrigante. Nous comprenons que l’histoire sera fractionnée en « pistes », le ton est donné. Nous sommes immergés dans l’univers du rock. 4 éléments de décors nous tournent le dos, derrière les acteurs. Qui sont-ils ? Rapidement, nous sommes emportés par un dynamisme réjouissant. Au gré de confessions et anecdotes, nous apprenons de quoi fut ponctuée la jeunesse des cinq personnes qui se tiennent devant nous. Nous comprenons qu’il s’agit ici des 5 membres du groupe Greenville.

C’est avec brio et avec beaucoup de résonance que les extraits musicaux sont sélectionnés pour accompagner et illustrer chaque souvenir de jeunesse évoqué par nos rock stars. Seul bémol, nous avons par moments du mal à discerner les mots des notes, pour cause de micros mal réglés peut-être, nous perdons donc quelques détails, mais cela se dissipe pour laisser place à une élocution parfaite des acteurs et actrices.

Lors de ces témoignages, nous pouvons nous identifier à leur besoin de rêver, à leurs déboires amoureux, à leurs questionnements sur la notion de bonheur, de destin. Que nous ayons été jeunes ou non à l’époque où le rock était à son apogée, nous sommes inévitablement emportés par la passion, par leur amour de la musique. Une force supérieure semble nous happer, nous tirer avec elle, et nous emporte rapidement dans des bribes d’histoires de ces jeunes artistes.

Un premier élément de décor et déplacé et dévoilé au grand jour par les acteurs eux-mêmes. Compact, pratique, efficace. On ne doute pas de l’époque dans laquelle nous avons atterri, ici, c’est back to the seventies! C’est la boutique du disquaire de la rue Montmartre, qui s’est pris d’affection pour ces jeunes mélomanes. Ici, un vinyle tourne, nous assistons à un moment privilégié, un moment intime où nous faisons corps avec la musique. On en ressent sa texture, ses reliefs, sa matière. C’est un véritable bond dans le temps, emprunt de nostalgie, et de joie aussi.

La musique est ici un véritable vaisseau, qui nous embarque toutes et tous, pour nous faire vivre avec humour, poésie et dynamisme les moments de fulgurance et de doutes qui peut traverser un groupe au départ soudé, mais que la vie peut malmener. Les destins s’entrecroisent, s’éloignent, pour parfois ne jamais se retrouver. Quels sont les bons choix, il y a-t-il un schéma de vie plus valable qu’un autre ? Simplicité rime-t-elle avec bonheur, ou au contraire le faste et la frénésie suffiront-ils toujours ? C’est face à ces questionnements que sont confrontés nos personnages. Chaque récit a son originalité, certains sont chantés, avec beaucoup de présence et de justesse d’ailleurs, mais on en revient toujours au même postulat. On ne sait pas si nos choix sont les bons, mais une chose est sûre, la passion pour la musique est plus forte que tout, et elle a le don de nous porter à travers les âges, les époques.

Avec Greenville, la musique est un support pour l’intime. Elle rassemble les générations, amateurs et amatrices de rock ou non, nous vivons un moment fort, ensemble. Avec un jeu maitrisé, une scénographie mobile et ingénieuse, nous voyageons avec beaucoup d’humour dans l’univers de ce groupe fictif, qui traverse le temps d’une époque mythique, celle de Woodstock pour arriver à l’ère des téléchargements de la musique sur la toile. Greenville est un spectacle où le mot texture prend tout son sens. De part les grésillements du vinyle, des matériaux utilisés pour les décors, ou simplement avec la voix colorée de Daphné D’Heur. On nous rappelle que la musique est multi sensorielle, multi dimensionnelle, et que la scène est un l’endroit où elle peut véritablement prendre vie.