Tanger sous la pluie, quand Matisse se réinvente au Maroc

Scénario : Fabien Grolleau
Dessin : Abdel de Bruxelles
Éditeur : Dargaud
Sortie : 28 janvier 2022
Genre : Roman graphique, Histoire, Peinture

Tanger sous la pluie, une oeuvre aux influences orientales signée Fabien Grolleau et Abdel de Bruxelles revient sur les deux séjours effectués par le peintre Henri Matisse en 1912 et en 1913 dans la perle du détroit de Gibraltar.

Se réinventer

Miné par les rivalités parisiennes – provoquées notamment par l’essor du cubisme et le succès grandissant de Picasso – Matisse embarque avec sa femme Amélie à bord d’un paquebot à destination du Maroc. Il fuit Paris et sa grisaille. A la recherche de la lumière, il veut se réinventer, retrouver un nouveau souffle. Le couple loge dans le Grand hôtel Villa de France, un palace surplombant la baie de Tanger. De la chambre de Matisse, la vue sur mer est superbe mais une mauvaise surprise l’attend très peu de temps après son arrivée : une pluie battante le réveille en pleine nuit. Le gérant de l’hôtel n’est pas des plus rassurants au matin : il pleut beaucoup à Tanger et cela pourrait durer plusieurs semaines… Parti au Maroc sur les traces de Delacroix dont quelques tableaux ont été inspirés de Tanger, le chef de file du fauvisme peut faire une croix temporairement sur ses rêves de couleurs et de lumière. Il prend néanmoins son mal en patience et se lance d’abord dans des natures mortes avant de vouloir peindre des habitants de Tanger, en particulier des femmes. Par l’intermédiaire d’Amido, un jeune adolescent astucieux, il va faire la rencontre de la belle et mystérieuse Zorah qui deviendra son modèle.

Entre réalité et fiction

Aux manettes du scénario, Fabien Grolleau a ajouté une part de fiction au récit car les voyages de Matisse en terre marocaine demeurent en partie mystérieux. Si Zorah la modèle, Hassan le gérant, Amido et la chambre 35 ont bien fait partie de la vie de Matisse, il n’en reste pas moins que l’auteur a pris la liberté de combler certains vides. Dans la composition du scénario, on y retrouve entre autres un conte plaisant inspiré des Mille et une nuits raconté par Zorah durant ses séances de pose pour maintenir l’intérêt du peintre. Quant aux illustrations au trait épuré réalisées par Abdel de Bruxelles, dessinateur franco-marocain, elles font la part belle à la culture orientale. Riches en détails architecturaux, en végétation luxuriante, les dessins sentent bon la chaleur et les épices. Les aplats de couleurs chaudes oscillent entre les jaunes ocres, les bleus touareg et les rouges qui rappellent les routes roussies au soleil.

Tanger sous la pluie allie avec beaucoup de réussite le romanesque au réalisme de la vie de Matisse. Elle nous embarque à la porte du Maroc dans un voyage à la fois poétique et troublant.

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