Violence and son : au cœur de la brutalité intra-familiale

© Debby Termonia

De Gary Owen. Mise en scène de Jean-Michel Van den Eeyden. Avec Adrien De Biasi, Léone François, Jean-Luc Couchard et Magali Pinglaut. Du 6 janvier au 21 janvier 2023 au Théâtre de Poche. Et du 24 janvier ou 27 janvier 2023 au Théâtre de l’Ancre à Charleroi.

Liam a 17 ans, il vient de perdre sa mère et vit désormais avec un père violent, alcoolique et misogyne. Il reste un garçon à part, fan absolu de Doctor Who, un peu geek, un peu fragile. Tout basculera lorsqu’il amènera Jen, la fille dont il est secrètement amoureux, à rencontrer sa famille.

Comment nait la violence intra-familiale ? Comment s’articule-t-elle ? Y a-t-il moyen d’en sortir indemne ? Cette pièce nous plonge au cœur des mécanismes de la violence systémique. Le rôle de victime et de bourreau s’entremêle. Nous sommes dans une zone grise où tour à tour les rôles peuvent s’inverser.

Une écriture puissante

La pièce a été écrite par Gary Owen, auteur britannique, abordant des thématiques sociétales très engagées : chômage, dépendance, précarité sociale et affective. En 2015, il avait d’ailleurs obtenu le prix de la meilleure pièce aux prestigieux Théâtre Awards de Londres pour son œuvre : Iphigénie à Splott.

Sa patte, c’est une écriture viscérale, brute, dérangeante, acide mais terriblement juste et vraie. Le fil narratif se déroule comme un traquenard. A l’image du petit chaperon rouge qui pénètre dans la forêt obscure, nous sommes pris au piège, innocent que nous étions, à voir se dresser au fil de la pièce des recoins de plus en plus oppressants.

Face à ce texte, il fallait bien évidemment construire un univers scénique suffisamment solide. Et ce fut chose faite par la très belle mise en scène de Jean-Michel Van Den Eeyden, permettant des ruptures, des respirations mais aussi des points de tension parfois insupportables. L’intelligence du propos associé au travail minutieux mis en place sur les planches du Poche font de Violence and son, un petit bijou théâtral.

Piégé, au propre comme au figuré

Cette pièce a été pensé autour du thème du choix : son affirmation, ses limites, ses contours et ses frontières floues. Qu’est-ce que le déterminisme familial ? La violence s’hérite-t-elle ? Au fond, à quoi ça ressemble un vrai homme ? Patriarcat, matriarcat, tout s’emmêle autour de ce décor épuré, miséreux et en même temps paradoxalement chaleureux. Comme les deux faces d’une même pièce, différente mais faisant partie d’un même ensemble. A l’image de ces gens qui s’aiment en se faisant du mal ou d’une apparence de consentement qui n’en est pas vraiment une.

Les comédiens et les comédiennes sur scène se révèlent au fil du texte. Comme si la dureté de certains mots avait sur eux une capacité cathartique, capable de pousser au tréfonds d’eux-mêmes, comme une invitation à l’oubli. L’intensité monte si fort qu’elle nous cloue parfois à même notre fauteuil, immobile, osant à peine bouger ou respirer.

La force du théâtre est de permettre aux spectateurs de sortir d’une salle et de rester posséder par le sentiment qui les a animés quelques minutes plus tôt. On ne s’en débarrasse pas, pas tout de suite en tous cas. Il faudra attendre quelques heures pour digérer. Ne plus se sentir marqué par un récit, une phrase ou une image subtilement mise en scène afin d’obtenir une dimension visuelle intense.

Violence and son possède tout ça et bien plus encore. Son impact vous appartiendra parce qu’il sera intimement lié à vous, à votre vécu, votre essence, vos bagages et vos casseroles. Vous n’en sortirez pas indifférent, c’est certain. Et pendant l’espace de quelques instants, vous aurez vu quelque chose de vrai et de tragiquement humain.