« Poète chilien », quand cessons-nous d’être père ?

Titre : Poète chilien
Auteur : Alejandro Zambra
Editions : Christian Bourgois
Date de parution : 19 janvier 2023
Genre : Roman

Gonzalo et Clara sont ados et font leurs premiers pas dans la sexualité ensemble. Ils rompent, car leur couple et le sexe ne fonctionnent pas vraiment, ils sont jeunes. Des années plus tard, ils se rencontrent à nouveau en boîte, font l’amour, et se remettent ensemble. Clara a eu un fils, Vicente. Gonzalo est poète, un poète chilien, ou aime en tout cas la poésie, chilienne et mondiale. Vicente est un enfant curieux. Gonzalo va tenter de réfléchir à ce qui le lie à cet enfant, dont il n’est pas le père, tandis que ses choix de vie vont l’emmener à New York, loin de Vicente et Clara, et que Pru, journaliste américaine, entre en scène.

Alejandro Zambra fait exister ces différents personnages à travers leurs pensées et les liens qui les unissent, qu’ils tentent de définir. Un narrateur omniscient, qui semble être l’écrivain, s’immisce parfois, parsemant ses petits commentaires dans le récit sans jamais avoir l’air d’un marionnettiste maîtrisant le monde. Que du contraire, Gonzalo, Vicente, Clara, Pru sont complexes, ne pensent pas toujours ce qu’ils disent, et ne disent pas toujours ce qu’elles pensent. Si le narrateur en est conscient, ce n’est jamais cynique, jamais prétentieux. Les personnages existent par eux-mêmes, comme lorsqu’ils quittent le Chili et l’auteur du livre (et ses lecteurs et lectrices).

L’auteur surprend plusieurs fois et ne va pas où on pourrait penser que l’histoire nous mènerait. Comme dans Psychose, le milieu du roman, dont fait état la quatrième de couverture, vient rabattre toutes les cartes. Clara semble disparaître, Gonzalo aussi, Vicente est maintenant un jeune adulte, et Pru fait son apparition. C’est la force du roman, de ne jamais s’enliser dans le mièvre, le quotidien. Gabriel Garcia Marquez transparaît dans l’écriture de certaines aventures rocambolesques et romantiques que vit en particulier Vicente. Mais ces situations décrivent toujours des personnages en recherche, la poésie chilienne devenant une quête commune, une boussole.

On peut regretter que Clara ne prenne pas plus de place, qu’elle en perde au cours du récit. C’est un livre qui parle beaucoup du lien entre « padrasto » et « hijastro », des hommes chiliens qui ont fait et font la poésie, avant que Pru n’arrive avec l’envie de découvrir des femmes (poètes). Alejandro Zambra est lui-même poète, et cette plongée dans le monde chilien de la poésie sent le vécu. Est-ce ce nouveau paysage, pour les personnes qui n’y connaissent rien à la poésie ou au Chili, qui rend la lecture si facile, si prenante ?

Poète chilien est un livre de la vie quotidienne à Santiago et au Chili de manière générale, rempli de ruptures de ton, dans le contenu et la forme, de rencontres, de père biologique et de père adoptif, d’hommes machos et de femmes trompées, de sexualité, de masturbation et d’esquimaux. C’est peut-être un peu confus, dans ses thèmes, abrupt, dans ses ruptures, mais c’est une belle tranche de vie chilienne romancée, poétique, laissant entrevoir une complexité de caractères.