Né un mardi d’Elnathan John

auteur: Elnathan John
édition: Métailié
sortie: janvier 2018
genre: roman

Premier roman très remarqué d’un jeune auteur nigérien, Né un mardi suit les tribulations d’un enfant des rues dans le nord du Nigéria, dans une région qui bascule dans l’extrémisme religieux. Les aventures mouvementées du jeune héros ne sont pas sans rappeler la folie meurtrière semée par Boko Haram dans le pays ainsi que dans toute une partie de l’Afrique de l’Ouest.

Dantala a été envoyé dans une école coranique suite au décès de son père. A Bayan Layi, il apprend du mieux qu’il peut les hadiths en arabe pour éviter les coups de bâton. Dantala (qui signifie « né un mardi » en haoussa) est un almajiri : à côté des prières, il traine dans les rues avec les voyous du coin à la recherche de nairas, histoire de pouvoir se remplir le ventre et de continuer à fumer la wee-wee sous les baobabs. Mais un soir d’émeutes, dans un climat électoral tendu, Dantala commet l’irréparable avant d’être pris en chasse par la police. Forcé de fuir Bayan Layi, il trouve refuge à Sokoto. Là-bas, il est pris sous l’aile de Sheikh, un imam salafiste bienveillant avec lui. En compagnie de son ami Jibril, il apprend l’anglais, lit tout ce qu’il trouve, construit patiemment ses apprentissages en notant dans des carnets les différents sens des mots. Il se plaît également à psalmodier l’appel à la prière. Peu à peu, il gagne la confiance de Sheikh qui lui assigne d’importantes missions dans un contexte politique et religieux particulièrement agité. Alors que le pays s’enfonce dans une crise avec des tensions de plus en plus fortes entre communautés chiites et sunnites, un prédicateur vindicatif fonde une secte extrémiste et ensanglante la région.  

Inspiré d’une vraie rencontre, Elnathan John dépeint, à travers la voix de son héros, une jeunesse désoeuvrée dans un Nigéria sombre aux prises avec de nombreux problèmes. Flambée de maladies comme le choléra, malnutrition, corruption à différents niveaux de pouvoir, montée de l’extrémisme, attentats-suicides, déplacements de population… Le désordre va grandissant mais Elnathan John ne fait évidemment pas que dénoncer les plaies de son pays. En suivant les pas de Dantala, on part sur les routes poussiéreuses d’une région peu connue où les vendeurs de koko et de kosai côtoient quotidiennement les gamins des rues. Plongé dans un monde tumultueux, à la merci de dangers qu’il ne peut conjurer, le jeune héros un peu naïf nourrit peu à peu sa pensée intérieure en cultivant le goût de la lecture et des apprentissages. Et même s’il pense souvent que tout ce qui arrive est la volonté d’Allah, il prône une certaine ouverture d’esprit et une non-violence. Suite à un malencontreux coup de machette asséné à un responsable du Grand Parti à Bayan Layi, il a décidé de plus se laisser déborder par la haine.

Des premiers troubles adolescents à la naissance d’une amitié en passant par les prémices de l’amour, Elnathan John livre un roman d’apprentissage très réussi, à la fois sensible et palpitant. A l’instar de l’harmattan qui perturbe les terres du Nigéria, un véritable souffle habite ce roman et nous chamboule profondément.