Mister Prairie, plongée dans le fanatisme religieux

Scénario : Xavier Dorison
Dessin : Ralph Meyer, Caroline Delabie (couleur)
Éditeur : Dargaud
Sortie : 10 novembre 2023
Genre : Aventure

Après avoir évoqué l’avidité et les écarts de richesse dans le premier cycle, l’utilitarisme médical dans le second et la notion de vie bonne dans le dernier avec l’excellent Salvaje, Xavier Dorison et Ralph Meyer reprennent la plume avec Caroline Delabie à la mise en couleur pour un nouveau cycle de leur série phare, Undertaker avec Mister Prairie, une aventure où Jonas Crow, le croque-mort cynique et solitaire est confronté à la violence verbale et physique d’un sujet qui fait encore débat dans l’Amérique actuelle.

Jonas Crow a reçu une lettre signée R. Prairie. Persuadé que celle avec laquelle il a vécu tant d’aventures souhaite le revoir et partage ses sentiments, il se présente à son domicile d’Eaden, une petite ville du Texas. Même s’il réalise sur place que ce n’est pas elle qui est l’auteure de la missive il s’engage néanmoins à s’occuper de deux enterrements : un prêtre mort mystérieusement et un enfant à naître que sa mère, pourtant très pieuse, ne souhaite pas garder. Un acte qui ne passe pas aux yeux de certains, prêts à souffler sur les braises de la colère et de la rancœur née de la défaite face aux  Yankees pour empêcher l’avortement.

Mise en perspective

Que l’on transpose une problématique actuelle dans un futur lointain ou dans un passé plus récent, le but est toujours de pouvoir prendre du recul par rapport à celle-ci, de voir les similitudes et de faire réfléchir le lecteur en lui permettant de sortir du cadre strict de l’actualité. Et si l’avortement n’était pas interdit dans le Texas du 19ème – contrairement à l’heure actuelle où les législateurs font tout pour en restreindre l’accès – on remarque que les mécanismes qui mènent à la haine sont toujours les mêmes: utilisation par un personnage charismatique des peurs et rancœurs d’une partie de la population, clivage culturel, sacralisation du sujet pour le rendre intouchable. Une technique que les fanatiques de tout bord maîtrisent encore malheureusement aujourd’hui.

Le décor et l’ambiance change, l’aridité de l’Arizona, les forêts vertes de l’Oregon et les neiges hivernales ont fait place à l’automne texan mais la qualité du scénario reste inchangée et encore une fois, les auteurs ont réussi un grand album avec Mister Prairie. Le suspense est à son comble et l’on attend avec impatience le dénouement dans le prochain opus de la série.