Les Emotifs anonymes, comédie mélancolique à l’efficacité boulevardière

De Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris. Mise en scène d’Arthur Jugnot. Avec Nicolas Buysse, Charlie Dupont, Tania Garbarski, Aylin Yay. Du 7 janvier au 22 février 2020 au Théâtre Le Public

Quand Angélique, émotive de son état et chocolatière de formation, se fait engager comme représentante de commerce dans la chocolaterie de Jean-René, émotif lui aussi, la rencontre de ces deux êtres handicapés par leur timidité maladive va donner lieu à un chassé-croisé amoureux forcément fait de quiproquos et de non-dits, dans lequel l’habillage d’une comédie romantique boulevardière s’accompagne d’un parfum de mélancolie.

Là où le film de Jean-Pierre Améris dont la pièce est tirée – coécrit par Philippe Blasband et mettant en vedette le duo Poelvoorde/Carré – revêtait une esthétique intemporelle teintée de « mignonnerie » et parfois agaçante, cette adaptation théâtrale mise sur un ton beaucoup plus délibérément comique, jouant allègrement avec les codes du café-théâtre – la mise en scène est signée Arthur Jugnot, rompu à l’exercice du genre –, et y gagne plutôt beaucoup au change.

Tirant bien parti de la scénographie imposée par le lieu – la salle des voûtes du Théâtre Le Public – et se pliant à l’exercice contraignant d’un décor mouvant et rudimentaire déplacé par les comédiens pendant qu’ils jouent, la pièce en devient beaucoup plus vivante et dynamique qu’un film engoncé dans sa joliesse forcée. Débarrassé de ses artifices et de toute velléités poético-esthétiques, le potentiel comique du texte et des situations qu’il charrie reprend ses droits, porté par une troupe en pleine possession de ses moyens et de ses objectifs de divertissement au premier degré.

Si le couple formé par Charlie Dupont et Tania Garbarski s’approprie avec leurs armes et leurs personnalités les rôles tenus par Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré, Nicolas Buysse et Aylin Yay se partagent avec le bonheur triomphant de deux cabotins joyeux tous les seconds rôles gravitant autour du couple vedette, créant ainsi une émulsion homogène et enlevée qui apparaît comme telle : une démonstration sympathique et artisanale de savoir-faire comique.