Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan, ubuesque mais glaçant

Titre : Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan
Auteur : Ron Stallworth
Editions : J’ai Lu
Date de parution : 16 septembre 2020
Genre : témoignage, documentaire

Ouvrage devenu célèbre grâce au film de Spike Lee, BlacKkKlansman, Grand Prix du Festival de Cannes, Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan est un livre à la fois instructif et saisissant, le récit d’une opération d’infiltration de la police mais surtout un témoignage inestimable sur la nature de la société américaine.

Tout a commencé un jour d’octobre 1978. Inspecteur à la brigade de renseignement de la police de Colorado Springs, j’avais notamment pour mission de parcourir les deux quotidiens de la ville à la recherche d’indices sur des activités subversives. Les petites annonces ne manquaient jamais de m’étonner. Parfois, entre stupéfiants et prostitution, on tombait sur un message qui sortait de l’ordinaire. Ce fut le cas ce jour-là.

Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan pourrait se lire uniquement comme la retranscription fidèle d’une passionnante opération d’infiltration. Et l’envisager de ce point de vue apporterait déjà beaucoup, tant il parvient à démythifier le travail du service de renseignements, qui, loin du fantasme de James Bond, est un travail de collecte patient, de recoupage d’information et d’attente. Néanmoins, l’œuvre de Ron Stallworth a beaucoup plus à nous offrir. Car son témoignage nous permet d’appréhender la nature de la société américaine des années 70, société qui a finalement très peu changé au niveau de ses valeurs en 40 ans.

Une idéologie toujours présente

Ce qui frappe à la lecture du roman, outre le manque d’éducation et de stratégie de nombreux membres du Klan, c’est la réponse relativement tiède de la population face à cette menace. Certes, l’adhésion de la population à l’organisation en elle-même avait fortement chuté dans les années 70 par rapport à la première partie du 20ème siècle. Néanmoins, ces idées avaient percolé au niveau d’une certaine partie de l’électorat et d’ailleurs plusieurs de ces membres exercèrent des fonctions électives au sein du parti républicain dans les années 80 et 90. Et c’est là où on peut faire le parallèle avec la société actuelle, avec son président ouvertement raciste, ses nombreuses milices et supporters d’extrême-droite qui déversent ouvertement leurs propos xénophobes et outranciers…

On pourrait s’attarder sur le côté ubuesque de la situation décrite dans cet ouvrage. Toutefois, lire Le noir qui infiltra le Ku Klux Klan est surtout l’occasion de réaliser que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à une société plus égalitaire.