« The Queen’s Gambit », tout un monde dans soixante-quatre cases

The Queen’s Gambit
de Scott Frank et Allan Scott
Mini-série
Avec Anya Taylor-Joy, Bill Camp, Moses Ingram
Sorti le 23 octobre 2020 sur Netflix

De l’envol de l’enfant jusqu’à l’apothéose de la femme, The Queen’s Gambit propulse son spectateur dans la vie de Beth Harmon, jeune orpheline qui décide, dès sa première partie d’échecs, qu’elle rivalisera bientôt avec les plus grands champions des années soixante.

Au-delà des compétitions qui rythment la vie du personnage de Beth, incarnée par la splendide Anya Taylor-Joy, c’est tout un pan de l’histoire féminine américaine que nous découvrons par le tissu de relations multiples qu’entretient Beth avec toutes les femmes qui parcourront sa vie. Avec subtilité et modernisme, Scott Frank et Allan Scott adaptent le roman éponyme de Walter Trevis en nous plongeant dans une histoire de féminité, à la fois douce et tragique mais remplie d’une énergie folle. Le duo que forment Beth et sa mère adoptive Alma, toutes deux personnages blessées par la vie mais résolues dans leur recherche de bonheur et de victoire, est impressionnant. Sorte de Bonnie & Bonnie des échecs, de Thelma et Louise à la sauce internationale, elles pétillent à l’écran et transmettent leur ébriété aussi littérale que figurée à quiconque se laisse happer par leur charisme.

Dans ce Jeu de la Dame, c’est Beth qui mène la danse. Trébuchant parfois, elle se relève toujours et poursuit son but ultime, portée par les multiples facettes de l’actrice qui l’incarne avec talent et brio. Anya Taylor-Joy est magnifique dans ce rôle et donne au personnage toute la profondeur et toute la force d’une héroïne féminine moderne, alors même qu’elle est plongée dans un autre temps, dans un autre monde résolument masculin. Dans ce monde d’hommes, présents mais aucunement indispensables à l’évolution de Beth, la protagoniste gravira les sommets au fil des amitiés qui se mêlent et se démêlent. Avec leur soutien, mais jamais dans leurs traces.

Plutôt que d’être des guides, des mentors, les hommes de cette série sont bien plus souvent en retrait, forcés de ravaler leur fierté au profit de cette femme exceptionnelle. Terrifiante lorsqu’elle se lance corps et âme dans le jeu, juste lors des séquences d’introspection, Anya Taylor-Joy porte à elle-seule toute la série, servie par une photographie hors pair, des décors et costumes ravissants et de belles idées de mise en scène se jouant des pièces et des perspectives.

Sept épisodes menés de main de maître, où l’on tremble, où l’on pleure, où l’on croit. Qu’importe au final, que l’histoire narrée soit vraie ou non. Quand le premier plateau apparaîtra et que les pièces se mettront en mouvement, vous serez prisonniers de cette série de grande qualité, sublimée par son casting.