Voyage dans l’imaginaire collectif avec « L’Amérique n’existe pas ! » à Art et Marges

Richard Bawin, LaSGrandAtelier (détail)
Richard Bawin, LaSGrandAtelier (détail)

L’exposition L’Amérique n’existe pas ! (Je le sais, j’y suis déjà allé) à Art & Marges propose une vision riche et complète de l’image que l’on se fait des USA. Comptant une centaine d’oeuvres d’artistes internationaux, elle est mise en place par Matthieu Morin en parallèle de la présentation de son livre Des pépites dans le goudron! Un road trip brut en Amérique.

Le musée Art et Marges à Bruxelles pose la question de la frontière dans l’art et a pour but de promouvoir l’art outsider. Devenu musée en 2009, l’endroit possède à l’heure actuelle une collection de plus de 3500 oeuvres d’artistes internationaux qui sortent des parcours classiques et académiques de l’art contemporain. Un des point fort de l’espace est qu’il ne ressemble pas aux grands musées ou galeries standards du style white cube. Ici, l’espace n’est pas impressionnant. Rapidement, le spectateur se sent à l’aise.

Dominique Théâtre, LeSGrandAtelier
Dominique Théâtre, Le S Grand Atelier.

D’après une citation d’Henry Miller et une réplique d’Alain Resnais, l’exposition L’Amérique n’existe pas ! (Je le sais, j’y suis déjà allé) est une invitation au voyage à travers le regard d’une quarantaine d’artistes. Autant de visions personnelles pour réinterpréter une image issue de l’imaginaire collective : le rêve américain. Matthieu Morin, auteur de l’ouvrage Des pépites dans le Goudron! Un road trip brut en Amérique, est un passionné d’art brut. Il s’attèle à la promotion des artistes outsiders, aussi bien en arts plastiques qu’en chanson, tout en agrandissant sa collection personnelle au fil des années.

Quelques oeuvres au détail

Wesley Willis propose trois dessins grand formats, intitulés The Dan Ray, The lake front, et Skykrapper building of Chicago’s northside. Ils sont réalisés au crayons de couleurs et au bic. Willis à passé sa vie à Chicago. Atteint de schizophrénie paranoïde, il prend le bus à travers la ville pour calmer ses démons et tenter de descendre de ses crises. Il finit par connaître par coeur les routes et les lignes de bus et représentera les paysages de la ville de manière obsessionnelle.

Wesley Willis, M.Thies, Collection MADmusée, Fonds Duvel Moortgat
Wesley Willis, M.Thies, Collection MADmusée, Fonds Duvel Moortgat.

Ses dessins sont réalisés par hachures vives et traits soutenus et évoque une vision déformée d’un paysage ou l’homme ne semble être représenté que par le mouvement des machines qu’il engendre. L’univers graphique de Wesley Willis est chargé, comprenant des enseignes et logo sur certains bâtiments ou sur des camions. Les couleurs qu’il emploie sont vives. On y reconnait les couleurs de base des crayons; un ciel bleu clair, de l’herbe vert vif et des bâtiments partiellement rouge ou jaune.

Né en France de parents polonais, Jean Smilowsky n’a vécu que dans la précarité. Il devient invalide suite à un accident de travail à l’usine à 33 ans. C’est l’âge du Christ lors de sa mort : un fait qui aura son importance sur sa personne et dans sa vie. Son oeuvre représente un royaume imaginaire dont il est le maître. Il est inspiré par différentes images des USA : les western, la guerre, les images pieuses, la chanson populaire et l’univers de la BD. Dans ses peintures très chargées et aux couleurs criardes, on retrouve des images populaires de l’enfance comme Mickey, Pluto, ou d’autres personnages Disney. On y voit aussi des images issues de films comme des avions de chasse, des totems, la statue de la liberté.

Pour accompagner ses mises en scène Jean Smilowsky se crée une muse en l’image de Ramona, une Indienne aux longues tresses à qui il déclare son amour. Des phrases parfois humoristiques mais toujours touchantes accompagnent certaines de ces pièces, en témoignage de sa détresse. Jean Smilowsky parle à sa manière de sujets toujours d’actualité et par lesquels tout le monde est concerné : l’amour, la guerre, la religion et la pauvreté.

Ruttkowski, Paa Joe.
Paa Joe.

Paa Joe est un artiste Ghanéen. Lorsqu’il est encore enfant, il devient l’apprenti de son oncle dans un atelier qui enseigne l’art des cercueil du peuple Ga. Il ouvre par la suite son propre atelier de cercueils fantaisie et est l’un des premiers à les présenter au monde occidental dans le cadre
d’une exposition au centre Pompidou en 1989.

Directement liée à l’intimité de la personne, l’oeuvre est conçue en fonction de sa personnalité. A la base, l’objet est destiné à un public restreint en étant uniquement visible lors des obsèques de la personne. Mais désormais, les cercueils de Paa Joe sont exposés dans le monde entier. Pour l’exposition L’Amérique n’existe pas !,  il présente un cercueil en forme de chaussure Nike rouge et noir à l’intérieur, recouvert de tissu wax. Modèle
emblématique de la marque, la Nike air force fait partie de la culture urbaine et contemporaine des Etats-Unis.

D’autres oeuvres retiennent l’attention, comme les bouteilles de coca sculptées en bois dans le style des totems, une amphore illustrée de personnages de Disney, ou les peintures sur sac de farine représentant des affiches de blockbusters aux personnages approximatifs réalisées au
Ghana.

Qu’elles soient parfois clichés, souvent drôles et complexes, les oeuvres exposées dans L’Amérique n’existe pas ! (Je le sais, j’y suis déjà allé) ont le mérite d’être toujours honnêtes et touchantes. L’exposition compte parmi les meilleures de la rentrée. Elle est présentée dans un musée qui gagnerait définitivement à se faire connaître encore plus.

Infos pratiques

  • Où ? Musée Art et Marges, Rue haute 314, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Du 4 octobre 2019 au 2 février 2020, du mardi au dimanche de 11h à 18h.
  • Combien ? 4 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits disponibles.
A propos Anaïs Staelens 63 Articles
Responsable de la rubrique Arts/Expos Journaliste du Suricate Magazine