Kim-Gun, un documentaire qui pousse à la réflexion

Kim-Gun
de KANG Sang-woo
Documentaire

Présenté dans le cadre du 8ème festival du film coréen de Bruxelles, dans la section Après la révolte, Kim-Gun du réalisateur KANG Sang-woo possède toutes les qualités d’un grand documentaire, et malgré le caractère méconnu de l’événement en dehors des frontières coréennes et d’un cercle de connaisseurs, le récit tend à l’universalité et à beaucoup à apporter quant à la compréhension de faits d’actualité plus récents.

Qui est le jeune homme armé sur cette photographie emblématique du soulèvement populaire de Gwangju ? En 2015, un politicien conservateur, analyses faciales à l’appui, affirme qu’il s’agissait d’un agent nord-coréen mandaté pour inciter à la violence contre le gouvernement dictatorial sud-coréen. Les survivants n’acceptent pas cette théorie du complot ; un témoin des événements de mai 1980 croit d’ailleurs y reconnaître Kim-gun, un simple sans abri vivant sous un pont de Gwangju.

En partant à la recherche de Kim-Gun, le réalisateur pose des questions pertinentes quant aux mouvements révolutionnaires en général, à l’interprétation de ceux-ci par la population et également à la manipulation de l’information.

Interpréter le passé

De tout temps, les mouvements de contestation ont fleuri partout dans le monde, et chacun aura en tête des images de citoyens défiant le pouvoir, que ce soit à Gdansk, Pékin, Kiev ou Gwangju. Mais que sait-on de ces personnages qui ont bravé l’interdit pour défendre leur cause ? Pour la majorité d’entre eux, seuls quelques clichés garderont le souvenir de ces journées mémorables, souvenirs photographiques qui pourront par la suite faire l’objet de toutes les interprétations. Car passé l’engouement de la contestation, peu importe les conséquences de celles-ci sur la marche du pays, chacun se construira ses propres souvenirs, gardera son ressenti et son interprétation des événements. Et comme nous le montre Kim-Gun, il peut être fort différent en fonction du rôle que l’on a joué à l’époque. Et c’est là une question fondamentale que pose le film. Comment se forme la mémoire collective autour d’un événement, comment l’entretenir et à quel point des voix dissonantes peuvent altérer le portrait que l’on fabrique autour d’un fait historique ?

En partant à la recherche des protagonistes du mouvement démocratique de Gwangju, le réalisateur nous éclaire par rapport à ces questions et de plus, il met en évidence la facilité avec laquelle on peut déformer les faits et dès lors instiller le doute dans les esprits.

Kim-Gun, de par son universalité, est une vraie réussite. Outre l’intérêt qu’il éveillera pour le mouvement démocratique de 1980 en Corée du Sud, il suscitera également une réflexion plus large sur les protestations citoyennes en général et leurs différents niveaux d’interprétation en particulier.