« John Wick : Chapitre 4 », élasticité du corps, raideur de l’esprit

John Wick : Chapitre 4
de Chad Stahelski
Action
Avec Keanu Reeves, Donnie Yen, Bill Skarsgård
Sorti le 22 mars 2023

La tête de John Wick est mise à prix par l’organisation criminelle de la Grande Table. Seul façon de gagner sa liberté : défier le Marquis de Grammont en duel. Mais avant cela, il devra d’abord affronter un vieil ami qui refait surface. L’assassin en costume est de retour pour un quatrième opus qui pousse les curseurs à fond : scénario grotesque et action débridée, pour notre plus grand plaisir.

Désert du Sahara, John Wick galope au soleil couchant, jusqu’à rencontrer un bédouin haut placé à la Grande Table qui lui dispense un peu de sa sagesse : né pour tuer, l’assassin professionnel ne trouvera la liberté que dans la mort. Puis John Wick lui met une balle dans la tête. Ces quelques minutes introductives encapsulent à merveille le programme de ce quatrième opus des aventures du mari endeuillé parti venger son chien : un scénario parfaitement idiot, au service d’un film d’action débridé et donc jouissif.

John Wick, c’est la définition même du cinéma carte postale dans un monde globalisé : en un battement de cil, on passe du désert saharien à Osaka, de Berlin à Paris, et de la tour Eiffel au Sacré-Cœur. Chaque vignette est l’occasion de croquer en quelques stéréotypes tordants des autochtones pittoresques (les malfrats français en bérets !). Plus sérieusement, ce devenir tour operator de la saga ressemble plus à la tentative désespérée d’un studio qui ne sait plus très bien quoi faire pour attirer le public en salle, pour voir ce qui – ne le perdons pas de vue – reste une sympathique série B, déguisée en publicité hypertrophiée.

Le scénario, franchement idiot, déroule sans grand intérêt une histoire d’amitié virile entre John Wick et Caine, ancien collègue assassin et aveugle (!), où chacun a une bonne raison de tuer l’autre. L’ensemble est emballé dans un vernis philosophique de pacotille, qui prend la forme d’un concours de punchlines tout droit sorties d’un best-of de citations des penseurs de la Grèce antique, ou des moines bouddhistes, c’est selon. Le pauvre Keanu Reeves semble à la peine dans les scènes dialoguées, qu’il traverse d’un air affecté sans avoir l’air de comprendre ce qu’il peut bien faire là.

Mais, passées toutes ses scories, le film ménage de belles surprises du côté de l’action et offre un spectacle aussi absurde que jubilatoire. Les personnages évoluent dans un hors-monde où la police ne semble pas exister (une fusillade Place de l’Etoile ? Pas de quoi alerter les forces de l’ordre !), et où les fêtards berlinois sont sans doute trop défoncés pour remarquer les ennemis de Wick se faire massacrer sous leurs yeux à coups de hache. Mieux, le film se fait laboratoire expérimental des différentes manières d’éprouver le corps élastique de Keanu Reeves, réellement impressionnant dans son engagement physique. Fusillé, pendu, transpercé, brûlé, percuté par une voiture, jeté du haut d’un immeuble :  John Wick se situe résolument du côté du cartoon. Si la mise en scène est assez inoffensive, voire carrément laide (ignoble ciel numérique sur Montmartre), le film bénéficie tout de même, comme pour les précédents volets de la franchise, de chorégraphies sensationnelles et maitrisées, qu’on sait gré à Chad Stahelski de ne pas (trop) découper au montage. C’est dans ces ballets hallucinés que le film prend son envol, s’abandonne à la surenchère, et parvient à réveiller le spectateur de sa léthargie pour quelques minutes d’émerveillement drolatique.

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