« Iris et les hommes » ou la lente modernisation du paradigme conjugal

Iris et les hommes
de Caroline Vignal
Comédie dramatique, Drame, Comédie, Romance
Avec Laure Calamy, Vincent Elbaz, Suzanne de Baecque
Sortie le 3 janvier 2024

La société s’est construite comme il en va de la chimie dans le sens où la proximité d’entités similaires forme une entité plus complexe qu’on n’appellera pas de la même manière. Plusieurs quartiers forment une ville, plusieurs villes forment un pays, etc. Et tout comme en chimie, il y a un point de départ à n’importe quelle structure. Ce qu’en science on appelle atome, on l’appelle foyer ou famille quand il s’agit de la société. Et, à l’intérieur de cette entité gravite les notions de parents, d’enfants et, évidemment de couple. Partant de ce postulat, il est facile de comprendre en quoi la redéfinition de la moindre partie de cette entité première est complexe, car elle amène un questionnement de l’ensemble des concepts sociaux et peut faire apparaitre le monde comme une carte sans repères, un abyssal et vertigineux non-sens où tout confort semble inaccessible.

Voilà aussi pourquoi questionner la famille c’est questionner tout le système dans lequel nous vivons, voilà pourquoi c’est important et pourquoi sa déconstruction, ou, du moins, la déconstruction de son aspect inné et obligatoire, est longue et difficile, car rentrant en conflit avec toutes les forces en présence. Cependant, aussi grave et complexe que peut paraître le sujet, la voix par laquelle il s’exprime peut adopter un ton bien éloigné. Il en est ainsi dans Iris et les hommes.

Et pour cause, comme pour son précédent film, Caroline Vignal a choisi la comédie comme registre et Laure Calamy pour planter Iris, la protagoniste du film, une dentiste se rendant compte que son couple bat de l’aile et décidant d’utiliser une application de rencontre comme palliatif. Par ce choix, Iris redéfinit les priorités et déconstruit les conventions : la fidélité passe après le désir. Déculpabilisée et plus en accord avec elle-même, la quarantenaire enchaîne les rendez-vous et les amants jusqu’au point où elle doit véritablement s’imposer une méthode pour ne pas que cette nouvelle vie empiète sur la précédente, pour que le désir n’empiète pas sur l’amour.

En effet, cette quête d’assouvissement du désir ne se fait pas au détriment de l’amour : jamais Iris n’envisage de quitter son mari. Bien que le film invite surtout à redéfinir le fonctionnement d’un couple, dans ce qui fait son essence, dans la transparence et la confiance qu’il nécessite, on peut aussi y voir une remise en question de la monogamie et un véritable débat sur la fidélité. Iris aime son mari, ce sentiment va au-delà du désir et c’est pour préserver cet amour, pour qu’il ne souffre pas de la frustration liée aux manques sexuels qu’elle doit pleinement vivre sa libido. Dans ce cheminement qu’elle fait, elle s’impose des règles comme celle de ne jamais revoir deux fois le même homme. Iris a envie de sexe et non d’amour, la fidélité n’est plus un acte, ou plus précisément une absence d’acte, elle est devenue sentimentale, morale. Et bien moins contrôlables que les corps, les esprits nécessitent une confiance beaucoup plus grande de la part des partenaires, mais offrent une relation plus honnête, et donc, plus vraie.

Pour ainsi bousculer les mœurs et développer sa thèse, Caroline Vignal utilise la comédie, car elle agit comme du sucre sur de l’amertume : elle rend le tout plus doux sans en cacher le goût. Largement employé par Molière pour critiquer son époque, le registre de la comédie à des fins morales, castigat ridendo mores, est comme une révolution lente et permet d’aborder des sujets fondamentaux sans donner l’impression de mettre les pieds dans le plat.

Indéniablement, Iris et les hommes fonctionne du point de vue de la comédie et un spectateur ne cherchant qu’à se divertir y trouvera son compte. Mais ce qui se joue dans le film est, sans doute, plus important. En redéfinissant les contours des attentes et des comportements conjugaux, le film propose une forme moderne au Couple et incite à questionner en permanence les carcans sociaux qui peuvent sembler si naturels qu’on en oublierait presque qu’ils sont contraignants.