« Goliath », Lutter ou Périr

Goliath
de Frédéric Tellier
Thriller, Drame
Avec Pierre Niney, Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot
Sorti le 9 mars 2022

A moins de deux mois des élections présidentielles françaises, Frédéric Tellier revient avec Goliath, un film à charge s’inspirant du scandale du Glyphosate. Un thriller efficace et éminemment politique mais qui ne s’affranchit jamais des codes du genre.

La Défense, Paris. Devant le siège d’une firme spécialisée en biotechnologie, une agricultrice s’asperge d’essence et s’immole au milieu des tours. La raison ? Le décès de son épouse, contaminée par la Tétrazine, un produit chimique décrit comme « potentiellement cancérogène » par l’OMS et présent dans les pesticides utilisés sur les champs qu’elle cultivait.

C’est de cet ultime acte désespéré que naît la lutte de Patrick (Gilles Lellouche), avocat spécialisé en droit environnemental et France (Emmanuelle Bercot), dont le compagnon est lui aussi atteint d’un cancer, contre la firme Phytosanis représentée par Mathias (Pierre Niney), lobbyiste.

Après avoir suivi la traque de Guy George à travers le regard d’un enquêteur dans L’Affaire SK1 et le combat d’un pompier brûlé dans un incendie dans Sauver ou Périr, Frédéric Tellier met cette fois-ci le nez dans l’affaire du Glyphosate (ici appelé « Tétrazine »). Dans Goliath, il reprend le fil conducteur de sa filmographie en dépeignant l’engagement exceptionnel de personnages au service de la société. Si dans ses précédents films, il s’attardait sur la trajectoire d’une seule figure, le réalisateur fait ici le choix d’un récit croisé entre les trois parties concernées.

Pas (ou peu) de place pour la nuance dans Goliath, mais ce n’est pas grave. Pierre Niney est impeccable dans son rôle de salaud, lobbyiste arrogant et sans morale, véritable venin capable d’utiliser la misère humaine pour satisfaire les intérêts de son entreprise et sa propre cupidité. Face à lui, Emmanuelle Bercot, professeur de sport le jour, préparatrice de commande Amazon la nuit, représente avec justesse une France rurale qui crève la gueule ouverte mais bien déterminée à se faire entendre. Gilles Lellouche, quant à lui, apparaît négligé, mal rasé, avec un penchant pour la bouteille et incarne avec ce qu’il faut de justesse un avocat sur la paille prêt à sacrifier sa sécurité pour sa cause.

Avec un sujet aussi complexe que celui des pesticides et leurs effets sur la santé, Frédéric Tellier et le scénariste Simon Moutaïrou (Boîte Noire) évitent le piège tendu du sur-explicatif et de la froideur. Heureusement, il n’en est rien et Goliath parvient à délivrer un récit classique, limpide et suffisamment pédagogique pour captiver pendant ses deux heures. Mais difficile par moment de ne pas en tirer une certaine frustration. Qu’il aborde le lobbyisme au sein du Parlement Européen, la récupération médiatique, les campagnes de trollings, l’activisme encore la désobéissance civile, Goliath gratte mais ne va que trop rarement au fond de ce qu’il expose. Conséquence inévitable de cette volonté de clarté.

Une volonté qui permet à Frédéric Tellier de remplir sa mission de sensibilisation et proposer un thriller politique qui, même s’il peine à surprendre et est un peu avare en moment de tension, coche plutôt efficacement les cases de son genre.