Florence Mendez se dévoile et dézingue la norme, avec délicatesse

© Denis Lomme

De Florence Mendez, mise en scène de Joffrey Roggeman. Du 26 janvier au 24 février 2024 au Théâtre de la Toison d’Or (TTO).

D’emblée, elle explique qu’elle n’a pas toujours été humoriste. Avant d’embrasser cette carrière, elle était professeur de néerlandais dans le secondaire, soit des élèves de 12 à 22 ans. Le premier jour de classe, elle est confrontée à une tentative de suicide. Une fille, des ciseaux sur la gorge, lui dit qu’elle est malheureuse et qu’elle veut en finir. Impassible, la prof garde son sang froid et lui rétorque : « ja, zeg het in het Nederlands ».

Elle change de voie quand elle réalise que « ce n’était pas une bonne idée de retourner à l’école », où elle a été victime de harcèlement scolaire. Il faut dire que Florence Mendez est HPI, haut potentiel intellectuel, « des super pouvoirs qui ne servent à rien » et que cela n’aide pas dans les relations avec les autres à l’école, et pas toujours ailleurs non plus. Pour canaliser cette intelligence supérieure, elle lit des textes sur tous les sujets qui lui passent à portée de main (c’est comme cela qu’elle apprend que le mammouth avait chaud au cul même par grand froid). Parce que « quand je lis, je retiens. Quand je retiens, je replace », mais pas toujours au bon endroit.

Plus tard, à trente ans, on lui diagnostique un trouble autistique sans déficience, le syndrome d’Asperger qui se manifeste par des difficultés au niveau de la communication et des interactions sociales. En gros, elle n’a pas les codes de notre espèce, ce qui n’aide pas pour analyser le sens, notamment, d’une intonation ou de l’expression d’un visage. Mais cela ne s’arrête pas là.

Créé en 2017 sous le titre Oh et puis merde, le spectacle présentait un point de vue de meuf sur sa vie de mère, de prof et ses amours, émaillé de quelques saillies engagées. Florence Mendez le joue pour la première fois en mars mais, six mois plus tard, elle tombe malade. En fait – elle le raconte ici et avec beaucoup d’émotion -, un jour d’août, elle envisage le suicide, se demandant si ce serait plus facile pour son enfant de faire son deuil ou de vivre toute sa vie avec une mère folle. Elle arrête de jouer et décide de se faire soigner.

Comorbidité de l’autisme, elle souffre de trouble panique caractérisé par des attaques de panique récurrentes et sévères, comme si le corps manifestait des réactions d’alarme (palpitations, hyperventilation, …) à mauvais escient. Le moindre grain de poussière peut tout faire dérailler. Après examens, il s’avère qu’il s’agit bien d’une maladie mentale. Le problème est en partie chimique, donc les antidépresseurs peuvent être d’une grande utilité. Ceux-ci associés à une thérapie cognitive et comportementale (TCC), qui consiste à déclencher des crises, dans un environnement sécurisé, pour apprendre au cerveau à y faire face, vont lui permettre de reprendre pied.

Deux ans plus tard, elle ose parler de ses émotions et aborde ces sujets plus difficiles dans Délicate qui devient un spectacle qui parle de comment trouver sa place et de ce qu’est la vie en tant que personne autiste, avec lucidité, sans fard ni pathos. Désormais, son côté névrosé fait partie intégrante de son travail, elle n’a plus à le cacher, au contraire. Elle se fait même militante, revendicative enjoignant d’arrêter de diaboliser et de culpabiliser, afin que la santé mentale cesse d’être un sujet tabou, même dans les spectacles d’humour. « Je veux dire aux personnes différentes et qui ne collent pas aux normes de la société : Venez ! On est tout seuls mais on sera tout seuls tous ensemble ! Les autres, on s’en fout ! », explique-t-elle dans une interview.

Dans Délicate, Florence Mendez se dévoile et parle, avec beaucoup de courage, d’énergie et d’auto-dérision, d’elle-même, de ses névroses et de ses difficultés à s’adapter dans une société très normative. L’affiche de son spectacle évoque le côté guerrière, son engagement et le combat qu’elle a mené pour dépasser ses problèmes psychologiques, avec un gant métallique qui symbolise la protection. Même si elle reste quelqu’un de très sensible – l’émotion, réelle ou feinte ?, est souvent palpable – et gentille, elle est très drôle et radicale. Les autres mamans, ses ex, les hommes en mal de virilité, les influenceuses, les antivax, les chats qui sont des crevures ou même les koalas en prennent pour leur grade.

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