Tuning, jusqu’au 28 mai au TTO

De Boris Prager, mise en scène de Emmanuel Dell’Erba, avec Aurelio Mergola, Julie Lenain, Ingrid Heiderscheidt, Pierre Lafleur, Marie-Hélène Remacle. Du 21 avril au 28 mai 2022 au Théâtre de la Toison d’Or (TTO).

Sur un air de Jackie Quartz, à l’emplacement 67 du camping de la Grosse Tour, nous apparait la famille Tronquet. Deux matriarches, la mère et la fille : Marlène et Joëlle. Suivi des deux gamins, les jumeaux : Pipo et Esmeralda. Depuis des années, ils possèdent la radio locale : Tuning FM. Entre musette et radio du cœur, cette famille va nous embarquer dans leur périple : souvent drôle, toujours touchant et résolument tendre.

De prime abord, on se dit que le sujet du spectacle sera d’illustrer l’univers du « baraki ». Vous le connaissez et moi aussi. Il traine souvent au café du coin, il parle fort, il vit des choses rocambolesques. Il a souvent mauvais gout, il boit énormément, fume, crie, jure. Quand on traite d’un tel sujet, il est aisé de tomber dans la caricature. Une facilité dans laquelle le metteur en scène, Emmanuel Dell’Erba ne voulait pas tomber : « J’ai dit que je voulais bien faire ce projet mais je ne voulais pas faire un spectacle qui allait se moquer des barakis, c’était hors de question. Je ne voulais pas que les gens viennent voir ce spectacle en rigolant et en se disant : « Tiens qu’est-ce qu’ils sont loufoques ». Notre volonté a été de rendre cette famille la plus tendre possible ». Et on doit dire qu’à notre sens, ce pari a été plus que gagné.

C’est quoi une famille de barakis ?

Esmeralda est enceinte jusqu’aux yeux mais elle a un rêve : elle veut devenir chanteuse. Sa mère, Jo, élève seule ces enfants et est soutenue par Marlène, la matriarche de la famille. Pipo, c’est le frère d’Esme, il n’est pas très doué mais il est là, il fait le job. Quand un beau jour, il arrive à décrocher une audition pour sa sœur avec l’un des producteurs les plus côtés de la région, le célèbre Freddy Starlight, tout va basculer.

Bien que l’on pourrait penser être dans le cliché, ce qui se dégage du spectacle c’est surtout énormément de justesse et de bienveillance. On observe cette famille et on rit aux larmes de leur maladresse, de leur manque de courage, de leur lubie. Mais on est aussi ému par leur peur, leur incapacité à faire face, à ne pas commettre d’erreurs. On est dans des récits de vie. Ces gens-là, on les connait. On les a déjà rencontrés, croisés. On se délecte des accoutrements, des sélections musicales et l’instant d’après, on est ému parce que l’on parle de peur de l’abandon ou d’actes manqués. Une belle richesse narrative donc mais pas que …

A la scène comme au cinéma

Dès que l’on rentre dans la salle, deux comédiennes nous y attendent, fumant cigarettes sur cigarettes. Marlène, la grand-mère est aux commandes de la radio Tuning FM et fait cracher par les enceintes de la caravane, un morceau de bal musette.

Dès que le spectacle s’enchaîne, on est immédiatement interpellé par la richesse de la scénographie, le travail sur les lumières ainsi que la mise en scène qui ont été léché aux couteaux. Tout s’enchaine dans une poésie et une précision remarquable. Le metteur en scène nous confiera venir de l’univers des comédies musicales et cela est perceptible sur scène. Chorégraphies, chants, lip sync, les comédien(ne)s se donnent sans relâche avec talents et brio. Les univers crées sont tantôt intimistes, tantôt grand spectacle. On sent une influence cinématographique très forte, le metteur en scène nous confiera d’ailleurs penser la mise en scène comme des plans au cinéma.

Nous passons de jolies surprises en jolies surprises, avec des punchlines qui restent à l’esprit. Nous avons une tendresse particulière pour le « Oufti, il est encore 9:36 ». Ce spectacle est à l’image d’une poupée russe. Quand on le découvre, on ne s’imagine pas toute la complexité et la richesse qu’il va receler. On ne peut que vous conseiller d’aller vous aussi découvrir cette pépite. Vous ne serez pas déçus du voyage et nous prédisons même que vous serez ravi de la destination.