« Doctor Strange In The Multiverse of Madness », vent de frayeur sur le MCU

Doctor Strange In The Multiverse of Madness
de Sam Raimi
Fantastique, Action
Avec Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Xochitl Gomez
Sortie le 4 mai 2022

20 ans après avoir révolutionné le film de super-héros avec sa trilogie Spider-Man, Sam Raimi tente d’introduire sa patte dans le cahier des charges du Marvel Cinematic Universe. Un pari risqué mais partiellement relevé. Critique sans spoiler.

Tout juste sorti du succès phénoménal du Spider-Man: No Way Home, le Marvel Cinematic Universe continue la phase 4 de sa saga avec le deuxième épisode des aventures de Doctor Strange. Initialement confiée à Scott Derrickson (Sinister, L’Exorcisme d’Emily Rose), réalisateur du premier volet qui voulait faire de ce second volet le premier film d’horreur du MCU, la suite tombera finalement entre les mains de Sam Raimi, suite au départ de Derrickson pour cause de divergences créatives avec le studio. C’est donc avec un mélange de crainte et de curiosité que la nouvelle fut accueillie. Pourquoi Raimi, cinéaste au style affirmé, irait s’aventurer dans un terrain aussi formaté, qui plus est après presque 10 d’absence sur le grand écran ? A quelques jours de la sortie, le réalisateur déclarait en tournée promotionnelle avoir exercé un véritable rôle d’équilibriste, pris en tenaille entre le respect rigoureux d’un cahier des charges et l’expression de sa patte visuelle. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça se ressent.

Alors qu’il célèbre un mariage, Stephen Strange est appelé à l’aide par America Chavez, une adolescente traquée par une entité voulant dérober son pouvoir : voyager à travers les différents univers. Avec un sujet aussi fourre-tout que le multivers, tout laissait présager un film illisible couplé à une surenchère de fan-service. Heureusement, le travail effectué par Jade Bartlett et Michael Waldron évite l’indigestion ressentie lors de l’insipide Spider-Man: No Way Home et propose un récit classique mais mené sous la forme d’une course contre la montre effrénée. Quelque peu laissés sur le bord de la route d’un scénario qui fonce à 200km/h, le super-héros incarné par Benedict Cumberbatch et ses acolytes souffrent d’une écriture se reposant trop sur les acquis de leurs précédentes apparitions. Peu importe finalement car la force dramatique repose principalement sur le personnage de Wanda (Elizabeth Olsen). Définitivement dotée d’un des arcs narratifs les plus intéressants de la saga, sa destinée empreinte de douleur, de regret et de solitude apporte un souffle tragique rarement atteint dans le MCU.

Au-delà de sa capacité à émouvoir, c’est dans sa représentation de la violence que ce nouvel épisode surprend avec des mises à mort brutales, séquences cauchemardesques et (quelques) effets gores. Et là pas de doute, Sam Raimi est bien aux commandes. Sa dernière excursion horrifique datant de 2009 avec Jusqu’en Enfer, il semble s’en donner à cœur joie: réutilisation de ses travellings en vue subjective époque Evil Dead, plans cassés, zooms sur les visages. Le réalisateur rappelle sa maîtrise du mouvement pour contrebalancer avec la rigidité des scènes de dialogue, trop souvent anesthésiées par de simples champ-contrechamp.

Grand huit macabre, Doctor Strange In the Multiverse of Madness est un spectacle inédit au sein du MCU. Preuve qu’en desserrant un peu la vis, le studio américain peut rafraîchir une saga que la fatigue guette, à défaut de créer de grands films. Moins marqué par l’humour que par la tragédie, il souffre néanmoins de son écriture sans éclat, d’une direction artistique pas toujours inspirée et surtout d’un problème majeur mais inévitable: son incapacité à exister individuellement.