« Compartiment N°6 », brève rencontre

Compartiment N°6
de Juho Kuosmanen
Drame, comédie
Avec Seidi Haarla, Yuriy Borisov, Dinara Drukarova, Yuliya Aug, Lidia Kostina
Sorti le 26 janvier 2022

Désirant aller visiter un site archéologique perdu en pleine mer arctique, Laura, une jeune finlandaise, prend le train à Moscou et se retrouve pour un long voyage dans une cabine commune avec Lioha, un mineur russe d’apparence bourrue. Au fil du voyage et des étapes, les deux lient une relation d’amitié particulière.

Lors du dernier Festival de Cannes, ce film d’apparence mineure, d’un cinéaste finlandais encore peu connu et peu prolifique, s’est hissé jusqu’au podium puisqu’il a arraché contre toutes attentes un Grand Prix (seconde récompense de la compétition) ex-aequo avec le mastodonte démiurgique Un héros, de l’auteur festivalier par excellence, l’iranien Asghar Farhadi. Autant dire tout de suite que nous préférons de loin le « mineur » subtil de Compartiment N°6 au « majeur » démonstratif d’Un héros.

S’inscrivant dans une lignée de films de rencontre – que ce soit dans des trains ou ailleurs, peu importe – le film de Juho Kuosmanen a tout de même à soutenir la comparaison, ou en tout cas le parallélisme, avec, en particulier, le Brève rencontre de David Lean, étalon classique du genre, et le plus récent, mais tout autant – voire même peut-être plus – porteur d’une aura de film culte qui peut très vite devenir envahissante, Before Sunrise de Richard Linklater

Compartiment N°6 parvient à imposer son rythme et son ton propre, à faire oublier ces références, notamment par l’intermédiaire de ses personnages (et de leurs interprètes) plus attachants sur la longueur que sympathiques au premier coup d’œil.

Au final, le train et son trajet auront servi, comme liant, à créer en prenant le temps la relation entre les deux protagonistes, mais c’est paradoxalement lorsque le film sortira du compartiment n°6, lieu fondateur, que celle-ci pourra exister et s’épanouir dans le monde, non sans balbutiements, non sans tâtonnements, un peu comme les premiers pas d’un jeune enfant.

Établir la communication et dépasser la barrière de la langue aura été le cap le plus difficile à passer et ça se sera fait dans le train, à l’abri du monde. Mais une fois dehors, le lien entre les deux perdurera un temps, peut être pas très long, sans doute éphémère, mais il suffira presque à éclipser – en tout cas esthétiquement – l’objet du voyage de Laura, ce site archéologique qu’elle allait chercher comme le Graal. Ce moment, elle le partagera avec Lioha et ce seront leur relation et leurs interactions qui resteront au centre des plans et du film, même à ce moment-là. Comme le dirait un grand philosophe : « Ce qui compte, c’est pas l’arrivée, c’est la quête. ».