[BIFFF 2024: jour 5]: parler du temps de manière très différente

Le BIFFF est un festival particulièrement éclectique, tellement varié que l’on se demande parfois si les gens de la programmation ne souffrent pas d’un trouble de la personnalité. Prenez l’exemple de ce samedi 13 avril ; deux films qui parlent de phénomène temporel, le premier en milieu d’après-midi, River, un petit bijou d’intelligence scénaristique, mêlant humour et traditions culturelles, qui nous fait dire que ce festival regorge de pépites, tandis que le second, Tim Travers, un film de la nuit, un film totalement oubliable, film potache dont le potentiel ne peut s’exprimer que grâce aux cris et à l’ambiance rabelaisienne d’un public du BIFFF déchaîné. De là à dire qu’il vaut mieux adopter la tactique de Cendrillon et partir de bonne heure, les critiques présentées aujourd’hui parleront pour moi.

River

Récompensé du White Raven et du Prix de la Critique lors de l’édition 2021 pour Beyond the Infinite Two Minutes, le cinéaste japonais Junta Yamaguchi nous revient pour cette quarante-deuxième édition du BIFFF avec River, un film qui prend encore une fois prétexte d’un paradoxe temporel pour nous faire rire aux éclats mais également nous interroger chacun face à nos propres contradictions quant à notre acceptation du temps qui passe.

Le temps semble s‘être arrêté dans le petit village où coule la rivière Kibune dans les montagnes près de Kyoto. Les quelques clients du Fujiya inn, une des auberges traditionnelles qui accueillent les visiteurs en quête de sérénité profitent du calme des lieux, qui pour partager un bon repas, qui pour profiter de l’inspiration. Mais alors que chacun vaque à ses occupations, l’expression le temps semble s‘être arrêté prend en un instant tout son sens lorsque toutes les personnes se trouvant dans un rayon de quelques centaines de mètres autour de l’auberge se retrouvent bloquées dans une boucle temporelle de deux minutes.

Bien entendu, nous avons tous pensé à Groundhog day en lisant le synopsis du film de Junta Yamaguchi, et, pour ceux qui ont été traumatisé par les aventures de Bill Murray, on se demandait comment cette nouvelle mouture allait éviter la redite. Par l’humour, un scénario intelligent et un jeu d’acteurs haut en couleurs qui font de River une des pépites du BIFFF.

Car contrairement au film d’Harold Ramis, les personnages de River ne sont pas condamnés à effectuer la journée parfaite pour sortir de cette boucle d’une part et d’autre part, sont tous conscients de se trouver dans cette boucle, les amenant dès lors à s’interroger sur leur propre existence et ce qui les retient dans le passé. Sans en dévoiler trop, cela donne lieu à de nombreuses scènes hilarantes, où, telle une pièce de théâtre de boulevard, les expressions des acteurs sont exacerbées pour souligner le côté absurde de la situation. Et un final, véritable hommage à la pop culture japonaise.

River est une véritable réussite, une œuvre à la fois drôle et attachante qui restera gravée dans nos souvenirs. V.P.

Tim Travers and The Time Traveler’s Paradox

Retour vers le futur, La machine à remonter le temps, Time Trap, Un jour sans fin.

Le temps et sa maîtrise, c’est toute une histoire et tout un fantasme.

Une fois qu’on a la machine et qu’on a voyagé dans le temps qu’on a rencontré sa mère et qu’on ne fait que répéter encore et encore la même journée, on fait quoi ?

Et bien, on se rend compte qu’à chaque fois, on laisse filer le paradoxe temporel ni vu ni connu.

Pas le temps de se poser des questions de physique, l’intrigue doit avancer et le film se finir.

Alors donc, quand on annonce Tim Travers and The Time Traveler’s Paradox, on se dit, enfin un film qui va se poser les bonnes questions.

Est-ce qu’on aurait envie de se ken ? Est-ce qu’on aurait envie de tomber amoureux de nous-même ? Est-ce qu’on aurait envie de devenir Dieu ? Est-ce qu’on ferait tomber l’univers dans un trou noir ?

Je vais avouer, je n’ai pas tout compris au côté scientifique du film. Et pourtant, ce n’est pas faute de m’y connaître. C’est juste que la science, elle fait la potiche pendant que le film lui, il est full potache. Tim Travers remonte le temps d’une minute, voit son lui du passé, se tire une balle dans la tête. Un autre Tim Travers arrive et encore un autre, et encore un autre, et tous ensemble, ils vont tenter d’entamer une romance avec une femme, avec eux-mêmes, ils vont se faire tirer une balle dans la tête par un tueur à gages, ils vont quand même se demander « c’est quoi ce merdier avec le temps-là » et puis ils finiront par se faire littéralement avoir par un Deus Ex Machina.

Ce film est oubliable mais clairement pas désagréable. Il aurait été bien plus divertissant et drôle si je l’avais vu pendant la Nuit du Fantastique. Ceci est donc une excellente leçon à retenir ; plonger un film moyen dans une salle du BIFFF avec un public drillé et vous obtiendrez automatiquement un film plus croustillant en rire.

Point chant 10/10 parce que je pense que je chante vraiment très bien sous la douche et aux toilettes. E.K.

Shin Kamen Rider, dernier film de la nuit…

Shin Kamen Rider est le dernier opus en date d’une longue série de films et feuilletons TV débutée en 1971 avec Kamen Rider, les aventures d’un cyborg mi-humain, mi-sauterelle qui combat les agents maléfiques de l’organisation criminelle SHOCKER. Un univers qui se trouvera également décliné sous forme de manga et d’autres produits dérivés, notamment des jeux vidéo.

Regarder Shin Kamen Rider, c’est un peu se replonger en enfance, lorsqu’on passait son mercredi après-midi à regarder à la télévision les séries et animés importées du Japon. Lorsque, dépourvu de sens critique, le jeune bambin s’extasiait devant les couleurs chatoyantes des combinaisons des Biomans ou restait hypnotisé devant les combats souvent statiques des Chevaliers du zodiaque. Débutée dans les années 70, la série des Kamen Rider connu plusieurs déclinaisons, jusqu’à cette réinterprétation de 2023,

Que vaut ce nouvel opus des aventures du chevalier masqué, présenté dans le cadre de la 42ème édition du BIFFF ? Et surtout, brise-t-il nos rêves et souvenirs d’enfance ?

Si certains auteurs se sont emparés des franchises de Marvel ou DC Comics pour en souligner le côté sombre – les Batman de Christopher Nolan ou des interprétations sombres, violentes et complexes de superhéros diffusées sur Netflix ou Amazon Prime – il n’en est rien pour ce Shin Kamen Rider, ou en tout cas, la barrière culturelle nous empêche de le voir.

On retrouve en effet le même questionnement philosophique que pouvait avoir Peter Parker dans Spiderman, à savoir l’utilité de pouvoirs aussi démesurés et la nécessité de les utiliser à bon escient, mais malheureusement, on a l’impression que les acteurs principaux récitent un texte et sont totalement hors sol par rapport au monde qui les entoure.

De plus, si dans nos souvenirs, la série était un feu d’artifices pyrotechniques, un festival de scènes d’action, ce film-ci est passablement ennuyeux et incohérent, le sommeil nous guettant à chaque pas. Les scènes de combats sont réduites à peau de chagrin, faute de protagonistes – les meilleures se trouvant dans la bande-annonce – la résistance des ennemis est quasi inexistante, et hormis les questionnements philosophiques de notre héros, rien ne vient perturber la marche de celui-ci vers le combat final.

De ce Shin Kamen Rider, on gardera les jolis costumes des différents monstres et malheureusement un ennui qui nous a emmené proche de l’endormissement à plusieurs reprises. Rien qui valait la peine donc, de réveiller nos souvenirs. V.P