[BIFFF 2021 online : Jour 9] S’ils ne nous tirent pas dessus, nous resterons vivants

Lucky : Un film qui n’est bon ni pour les hommes ni pour les femmes

Olivier : Autant vous prévenir tout de suite, Lucky traite de l’oppression quotidienne (symbolisée par la tentative quotidienne d’homicide que subit May) que vivent les femmes dans la société patriarcale. Et vu qu’en tant qu’homme cisgenre, mon avis a autant d’importance dans ce débat que le Coca Light pour lutter contre l’obésité, je cède la parole à Charlotte, ma copine, qui a vu le film avec moi. C’est elle qui va vous donner son avis sur Lucky. À toi Charlotte.

Charlotte : Merci Olivier. Cinq lignes pour me céder la parole c’est quand-même un peu condescendant tout ça. La prochaine fois, tu peux juste dire « Je laisse la parole à Charlotte et je vais faire la vaisselle ». Je suis certaine que ça fera plaisir à tout le monde.

Bon, Lucky alors. Déjà je tiens à dire qu’ils sont toutes et tous mauvais acteurs et actrices. Pas de distinctions de genre là-dessus. À la base, le pitch du film était bon et ça pouvait être intéressant. Une femme qui se fait agresser tous les soir par le même homme masqué chez elle et qui n’arrive pas à le tuer vraiment, ça pouvait être bien. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait une tournure féministe à deux balles.

Olivier : Si je puis me permettre Charlotte, c’est comme boire une soupe aux boulettes et trouver une couille dedans.

Charlotte : C’est bon, t’as fini ? T’as fait ta blague ? Ta gueule maintenant. Bon, où en étais-je ? Ah oui, le féminisme dans Lucky. Est-ce qu’il y a un fond de vérité dedans ? Si oui, elle est très lointaine. OK, certains hommes nous parlent parfois de manière condescendante mais de là à essayer de nous tuer ou à représenter une mort à petit feu. C’est de la fragilité de merde tout ça, de l’exagération de la génération snowflake américaine. Au final, ça dessert la cause féminine parce que c’est trop exagéré. Je me considère comme une féministe mais ce genre de film, ça ne me parle pas. Et j’ai tellement d’amis qui sont fatigués par les causes féministes à cause de ce genre de film. Il faut bien comprendre que le but n’est pas d’accabler le sexe opposé mais de faire comprendre par le dialogue qu’il faut faire attention à certaines choses. On ne fera pas avancer les choses avec ce type de film. Je ne comprends pas non plus pourquoi ils n’ont pas mis plus d’hommes biens dans le film. On connaît tous des hommes biens. Pourquoi on ne voit pas son père ? Ou si elle a un frère ?

Bref, ce film n’est ni bon pour les hommes ni pour les femmes.

Aporia : s’ils ne nous tirent pas dessus, nous resterons vivants !

Mesdames et messieurs, la palme revient à Aporia, le seul film de zombies qui ne montre aucun zombie dans sa première heure ! Aucune action non plus d’ailleurs. Alors oui, je vous vois venir d’ici. « Oui mais c’est un film d’Azerbaidjan, il faut s’adapter à la culture cinématographique locale, blah blah blah… ». Je veux bien entendre tout cela. Mais le choc culturel n’explique pas le choc de l’ennui. L’ennui qui nous envahit très tôt dans le film quand les deux principaux protagonistes tombent dans une fosse pour y rester pendant plus d’une heure ! Le tout en nous récitant des banalités comme « Si nous ne mangeons pas, nous allons nous affaiblir » ou « Si nous ne sortons pas du trou, nous allons mourir ». No shit Sherlock !

Je l’avoue, ce Aporia me faisait de l’œil depuis le début du festival. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut voir un film d’horreur venu d’Azerbaïdjan. Mais Aporia, c’est la fille que tu dragues pendant toute la soirée avant de te rendre compte après l’avoir embrassé qu’elle a une pomme d’Adam. On nous avait promis « des hordes de zombies », il n’y en aura finalement que trois ou quatre et tout aussi inoffensifs qu’un prêtre dans une chorale d’enfants de plus de 15 ans. On nous avait dit qu’Aporia était un survival mais à part faire du feu avec un zippo, rien de très survival là-dedans. On nous a menti ! Remboursez nos invitations !

Psycho Goreman : gore gore Power Rangers !

Un démon millénaire surpuissant qui se réveille sur terre. Une gamine sociopathe qui trouve l’artefact qui permet de le contrôler à sa guise. Des têtes qui explosent et des démembrements entre deux batailles à la Power Rangers. C’est tout ça Psycho Goreman et bien plus encore. Et si vous avez du mal à réaliser comment tous ces éléments peuvent s’agencer, rajoutez-y des justiciers extra-terrestres aussi gentils que des policiers dans une manifestation au Bois de la Cambre et quelques couches d’années 80.

Psycho Goreman c’est LA pépite what the fuck de ce BIFFF. Ce genre de film où on pleure rien qu’à l’idée de savoir qu’on n’a pas pu le voir au milieu d’un Ciné 1 bondé et surchauffé. Parce que cette dinguerie complète signée Steven Kostanski nous aurait mis une ambiance digne de Turbo Kid en 2015. Encore plus notable, le concept mis en place dès le départ (la petite fille qui contrôle le monstre sanguinaire) ne s’essouffle à aucun moment et arrive à parfaitement s’insérer dans le kitsch développé tout au long du film. Dire qu’on a aimé Psycho Goreman est encore loin de la réalité. Cet ovni aussi jouissif que décalé est appelé à devenir un film culte pour tous les fans du genre.

L’odyssée sanglante du Lapin Rose : ah ouais quand-même

Un homme fatigué par la vie qui veut se suicider, deux personnes dans un bar qui planifient un film, trois femmes qui nous racontent des histoires sans queues ni têtes, un couple qui bat de l’aile et dont le mari menace de se suicider. Avec tout cela, je ne suis comme Gilbert Montagné dans un gang bang, je vois pas le rapport. Parce que je me suis endormi devant le film avec mon rédacteur-en-chef. Et puis j’ai fait l’effort de regarder la partie que j’ai manquée le lendemain. Ma pire décision depuis celle de ressortir avec mon ex. Démarré comme un faux-documentaire, L’odyssée du Lapin Rose se conclut comme une quête vengeresse d’un homme excédé de se faire traiter comme un moins que rien. Mal joué, mal monté et truffé d’éléments autant volés à d’autres œuvres que la punchline avec Gilbert Montagné ci-dessus, cette odyssée tourne court. Parce que non, tenter d’imiter le rire de Joaquin Phoenix dans le Joker à toutes les scènes, mettre du noir et blanc comme dans C’est arrivé près de chez vous et des morales à deux balles sur notre société ne fait pas un film. L’odyssée sanglante du Lapin Rose est longue et n’arrive jamais à convaincre. Et tant pis si Arno Pluquet veut me défoncer la gueule à coups de hache au prochain BIFFF.

Host : l’horreur à l’heure du covid

A propos Olivier Eggermont 117 Articles
Journaliste du Suricate Magazine