[BIFFF 2018 : Jour 5] : Un bon jour, j’eus ri !

Blue my Mind, touchantes adolescentes (pas de jeu de mot, pas de jeu de mot)

Ah, 16 ans, l’âge des plus belles expériences ! Comment oublier ses magnifiques soirées alcoolisées (et Norbert qui guette depuis sa camionnette), ses amusantes sorties au parc d’attraction sous MD, le plaisir des premières règles, la joie de voir ses doigts de pieds fondre pour se souder entre eux ? Mia, fraichement arrivée dans son nouveau lycée, va vivre tout cela pleinement, et bien plus encore. Récit de son éveil et de sa transformation, Blue my Mind se fait avant tout chronique adolescente. Bien que faisant preuve d’une pudeur bienvenue, il n’en occulte pas pour autant certains passages difficiles, qui acquièrent de par ce fait une force inattendue. Bien qu’adoptant la plupart du temps une approche réaliste, le long-métrage n’en délaisse pas le fantastique pour autant, l’investissant par petites touches. Pour ce faire, il n’hésite pas à prendre son temps, peut-être un peu trop parfois. Il n’empêche, le film parvient tout de même à atteindre une certaine justesse, relayée par le jeu impeccable de l’actrice principale (Luna Wedler). Au final, Blue my Mind se révèle donc être une petite découverte plutôt originale et assez touchante ! G.L.

Jawad The Lodgers

À la fin des années 20, alors que le Airbnb du terrorisme n’en est qu’à ses balbutiements, Jawad vivait des jours paisibles en Irlande. Après avoir accueilli des « types plutôt normaux et sympas » (sic) comme Judas Iscariote, Elizabeth Bathory ou Clémentine de Koh-Lanta, il était parti se construire une retraite pépère chez les Irish à déguster de la Guiness. Mais jamais en rade d’aide envers son prochain, notre serial logeur décidait de venir en aide à deux jumeaux locaux.

« On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service, Monsieur », déclarait fièrement notre bon samaritain en se posant devant Netflix, un gros joint de beuh dans une main et, dans l’autre, un sandwich escalope-Boursin. « On m’a demandé d’héberger deux jumeaux qui avaient l’air d’avoir une relation plutôt chelou. Et vu que j’suis fan de Game of Thrones, j’me suis dit trop la classe, j’vais pouvoir héberger les Lannister. Je ne sais pas d’où ils viennent, on est au courant de rien, Monsieur ». Il est comme ça Jawad, le cœur sur la main comme une actrice féminine dans Trauma  (voire ci-dessous).

Et telle une comédie romantique à Charleroi, frère et sœur se retrouvent à se rapprocher, aller se faire des petits pique-niques au bord du lac, retrouver des ancêtres morts dans la cave, tuer l’autre par jalousie. Une journée comme les autres à Marcinelle.

Le film est porté par un casting dans lequel on reconnaît notamment Eugene Simon (Lancel Lannister dans Game of Thrones) qui lui aussi aimait jouer à touche-pipi avec des membres de sa famille dans la série de HBO, ou David Bradley (Walder Frey dans le même Game of Thrones) qui portait un peu moins les valeurs de la famille dans son cœur.

Au final, ce The Lodgers va chercher des inspirations claires dans Le Village  ou Les Autres mais n’arrive pas à trouver le créneau qui lui donnerait plus d’originalité. Banal mais toujours sympathique comme une Troll de 3h du matin. O.E.

Beyond Skyline, vous n’aurez pas le Laos et la Lorraine !

La fatigue se fait tout doucement sentir lorsque nous traversons les portes de la salle Ciné 2. Il faut dire que dehors, il fait 20 degrés et plein soleil, ce qui ne nous motive guère. En cherchant un siège douillet, quelqu’un affirme derrière nous que le film est disponible en téléchargement sur le net et qu’il s’agit d’une suite. De quoi remplir nos yeux de larmes en pensant aux nombreux mojitos que nous aurions pu boire en terrasse. Mais soit, que le spectacle de Beyond Skyline commence !

[Aparté] Où sont passés les gens qui vendaient des Frisco juste avant les séances dans les cinémas ? Vous savez, ceux avec les petites lampes torches qui cherchaient pendant un quart d’heure le Mars que vous leur aviez commandé ! [Fin d’aparté]

Beyond Skyline commence doucement. Les scènes sont un peu foireuses, elles tirent en longueur mais le film est en 6D ! Et pour cause, alors que les extra-terrestres flashouillent à la lumière bleue les habitants de Los Angeles pour les hypnotiser, les spectateurs de la salle sont eux aussi hypnotisés ! Incroyable, tout le monde dort ! Mesmer n’a qu’à bien se tenir ! Heureusement pour moi, l’éternuement de mon voisin de derrière, accompagné d’une salve de mucus dans ma nuque, m’aura ramené dans le monde des vivants.

Mais revenons à nos moutons de l’espace ! Beyond Skyline suit Mark Corley (Frank Grillo), un super flic – logique, puisqu’il est alcoolique, célibataire, mal coiffé et acariâtre comme TOUS les super flics – qui va se battre contre les aliens. Un John McClane de la Twilight zone en somme. Pim paf pouf, ça dézingue dans les vaisseaux pour ensuite nous emmener au Laos. Oui, vous avez bien lu, dorénavant, Mark Corley va se battre contre les aliens avec des spécialistes des arts martiaux, comme Iko Uwais et Yayan Ruhian, les mecs de The Raid ! Wata wata wata, quelques mawashis plus tard, nous voilà dans des méga-robots aliens pilotés par des aliens qui étaient avant des humains. S’ensuit une bataille entre les Kaijus bons et méchants, sans oublier Mark Corley et son lance-roquettes ! Bref, vous l’aurez compris, on a kiffé grave ! M.M.

Doubleplusungood, j’ai pas tout compris, mais c’était pas mal

Un truand à la petite semaine décide de dessouder les douze apôtres de Lucifer… ou du moins c’est ce qu’essaye de nous faire croire le programme du BIFFF. Dans les faits, c’est tout de même beaucoup plus confus. Découpé en plusieurs chapitres liés tant bien que mal les uns aux autres à l’aide d’une voix off envahissante aux répliques cryptiques, Doubleplusungood vaut néanmoins le détour. Hommage appuyé aux films d’exploitation, le long-métrage de Marco Laguna compense son faible budget par des idées permanentes de mise en scène. Référentiel dans son approche, le film parvient tout de même à trouver sa propre voie et fait preuve d’une belle énergie, notamment lors d’une impressionnante poursuite en voiture. Si le long-métrage n’avait pas été belge, on aurait pu sans problème l’imaginer issu de l’écurie Troma (période Shock Corridor, en moins glauque toutefois). Si certains spectateurs pourront se trouver dubitatifs devant un tel projet, les fans des récents films hommage aux Grindhouse (lancés par le film éponyme de Tarantino et Rodriguez) sauront à n’en pas douter lui trouver certaines qualités. G.L.

La Femme la plus assassinée du monde, qui veut tuer Anna Mouglalis ?

La pauvre gonzesse à été massacrée des centaines de fois : décapitée, lapidée, écartelée, éventrée, mangée par un lion, noyée, etc. Autant dire, Paula Maxa est haute dans l’indice Weinstein. Mais c’est bien sûr du théâtre !

Ladies and Gentlemen, entrez au théâtre du Grand Guignol et son petit monde : le metteur en scène possessif et sadique, l’écrivain psychologue, le gros bonhomme spécialiste des trucages, le concierge alcoolique et les acteurs et actrices qui font face à la vindicte populaire voulant interdire leur spectacle. Paula Maxa est la vedette que tout le monde convoite : le directeur, un jeune journaliste, un vieil homme qui aurait un rapport avec sa jeunesse, les bien-pensants et tous les fous qui traînent dans les rues de Paris.

Film en partie belge, La Femme la plus assassinée du monde retranscrit parfaitement l’ambiance de l’époque des années folles et plaît dès la première seconde par son exploration des coulisses d’un théâtre à sensation. Les acteurs, Anne Mouglalis (qui tient parfois le film à elle toute seule) en tête, sont géniaux, quoique parfois pour certains, trop théâtraux. Le gros problème se situe au niveau de l’intrigue. Le film reste contemplatif et une réelle trame ne démarre qu’à trente minutes de la fin. Un peu trop tard pour le spectateur ? C’est finalement le pire assassinat pour notre chère Paula Maxa, de gâcher une si jolie forme à cause du manque de fond. L.S.

A Special Lady, le coup du Coréen

Lauréat du Focus Asia Award au Festival du Film Fantastique de Sitges, A Special Lady était assez attendu par les curieux, d’autant qu’on nous le vendait comme un Nikita sauce aigre mais pas douce. De foie de buveurs de Trolls, on a rien compris !

Tout commence avec un nu frontal, des levrettes, des petites cuillères et une tonne d’andromaques. Ca copule sec dans les bordels du pays du matin calme. Tout cela pourquoi ? Parce qu’une organisation criminelle filme en loucedé des hauts-fonctionnaires et des hommes d’affaires occupés à oublier le popotin de madame dans celui d’une autre. S’ensuit alors un chantage : la rançon, la mort ou la mort par tchi-tchi.

Jusque là, on suivait. Puis, le réalisateur nous a fait le coup du Coréen. Au-delà du fait que beaucoup de gens s’appellent Kim, impossible en effet de remettre les personnages à la bonne place : « Donc, Choi est gentil… ah non, il est méchant… ah, mais c’est pas Choi, c’est Kim… Mais pas le Kim incarné au début du film par Guk Joong-woong, c’est le Kim président incarné par Choi, l’acteur qui n’incarne pas Choi… Ok, j’ai pigé, mais Hyun-jung dans tout ça ? Ben elle, elle est sensée être une femme forte, mais ne le montre que dans les cinq dernières minutes du film, le reste du temps, elle chiale ! ».

Le pire, c’est qu’à la fin, les gens ont applaudi. M.M.

The Thousand Faces of Dunjia, Dunjia et poissons

Le pré-générique de The Thousand Faces of Dunjia tente de nous introduire le concept de Dunjia. L’équipe de scientifiques au sommet de leur art, chargée de comprendre ce qu’on essaye de nous expliquer ayant depuis sombré dans la folie, nous allons donc faire l’impasse sur cette partie de l’histoire. De toute façon, elle est secondaire, dans la mesure où le début du film montre une poursuite entre plusieurs personnages et un poisson géant au look cartoonesque irrésistible, qui glisse un peu partout dans la ville. Là, déjà, on parle ! Passée cette entrée en matière aussi inattendue que farfelue et donc accrocheuse, le long-métrage va cependant peiner à maintenir la cadence. D’autant que The Thousand Faces of Dunjia délaisse parfois trop les chorégraphies de combat classiques pour se reposer sur des affrontements reposant de manière abusive sur des CGIs à la réussite aléatoire. Bien que certaines scènes sortent du lot et que le film se laisse regarder malgré un rythme fluctuant, on en attendait plus de l’association Yuen Woo-Ping/Tsui Hark. Fait intéressant toutefois : l’un des grands méchants du film utilise comme arme des boules épineuses rouges qui ressemblent à s’y méprendre au virus du sida et qui sont contrées par un grand oiseau multicolore. Un magnifique hommage à 120 battements par minute. G.L.

Montréal Dead End, pot pour rire !

En ciné 2, à 21h30, le monde s’amasse pour découvrir Montreal Dead End, une anthologie signée Rémi Fléchette… Fréchette, saleté de correcteur orthographique. Un habitué du BIFFF pour ses courts métrages, ses talents de dragueur et son long intitulé Les Jaunes, présenté en 2015. Pour Montréal Dead End, Rémi Fréchette joue donc à domicile et fait face à une salle comble, prête à en découdre avec ce Paris, je t’aime sauce slime au sirop d’érable.

Comme dirait notre cher ami Norbert au sujet de son film de vacances en Thaïlande, c’est conceptuel mais très vendeur. Il y a peu de budget, les effets spéciaux sont très spéciaux, et les mouvements de caméra sont épileptiques. Mais l’envie de se marrer est bien présente, un peu comme dans un Troma. Bref, on a suivi l’épopée montréalaise de Rémi, même si, il faut l’avouer, on en attendait clairement plus. M.M.

New Trial, procès dur

Tiré d’une histoire vraie, New Trial suit un avocat bien décidé à relancer sa carrière en tentant d’obtenir un nouveau procès pour un jeune condamné à tort à 10 ans d’enfermement. Que tous ceux qui trouvent les films de tribunaux longs et pénibles se rassurent, l’essentiel du long-métrage se focalise sur les démarches nécessaires à la création du nouveau procès précité. Ce n’en est pas moins long et pénible pour autant, mais il fallait le souligner. Handicapé par une durée trop longue qui laisse de la place à certaines répétitions, New Trial se suit tout de même sans trop de déplaisir grâce à ses personnages attachants, à une légère dose d’humour bienvenue et à un suspense qui, s’il finit par s’essouffler, n’en est pas moins habilement entretenu les deux tiers du film. G.L.

Trauma, une production Harvey Weinstein

Aller voir Trauma en séance de 00h30, c’est un peu comme une première fois chez les putes. Tu y rentres avec un mélange de culpabilité, d’impatience et d’appréhension. Et puis, tu ne sais pas avec quelles saloperies tu vas ressortir. Dans le même temps, les Casseurs Flowters nous expliquaient déjà en 2013 que « Les putes, c’est comme une séance chez le psy, le p’tit plus c’est qu’pour le même prix, t’as une personne qui t’consulte et qui t’suce ». Et un psy, certains en auraient bien besoin après avoir vu  Trauma. Ou après l’avoir réalisé. Question de point de vue.

On nous avait prévenus, ce long métrage dirigé par Lucio Rojas était le nouveau A Serbian Film. Mais si, vous vous souvenez ? Cette réalisation bien sympathique qui fleurait déjà bon l’inceste, le porno ultra-violent, les scènes de viol de bébés ou une masturbation dans une trachée fraîchement découpée. Au final, les films de ce genre sont aussi clivant que Romelu Lukaku en équipe nationale. D’un côté, les amateurs du genre qui justifient la violence extrême montrée dans le film par la violence des faits historiques, de l’autre, les gens normaux qui se demandent si montrer un gosse de 14 ans qui viole sa mère morte en scène d’ouverture est vraiment nécessaire. Question de point de vue.

Autant rentrer directement dans le sujet, les scènes bien dérangeantes de Trauma sont au nombre de deux et se situent au début du film. Il n’atteint donc pas les sommets de violence frontale gratuite de son peu glorieux cousin serbe. Malgré l’indéniable côté trash et macabre des deux scènes en question. Chacun se fera son avis sur le film mais pour nous, la violence montrée dans ces deux passages était largement dispensable tout en gardant un propos cohérent et pertinent concernant les crimes commis sous Pinochet au Chili (le sujet du film). À l’image d’un Incendies de Denis Villeneuve, le propos peut parfois garder toute sa portée sans pour autant être obligé de montrer une scène de viol complète de 15 minutes. Question de point de vue.

Et si à un quelconque moment du film, vous avez eu une érection, vous pouvez consulter le Docteur Norbert au 0475 51 83 69. O.E.

Et aujourd’hui, y’a quoi ?

Après la messe dominicale, en Ciné 2, place à El Habitante de Guillermo Amoedo, le pote d’Eli Roth, qui nous emmènera d’emblée dans un cambriolage qui tourne au vinaigre… ou plutôt au ketchup. Après ce starter, à 16h30, Freehold nous rappellera qu’il n’y a pas que de la mérule dans les vieilles demeures. À 19h, Mercy Christmas déballera les cadeaux que vous n’avez pas voulu pour Noël. À 21h30, les Coréens reviennent en salle 2 avec House of The Disappeared, un remake du film vénézuélien The House at the End of Time, lauréat du Corbeau d’Argent en 2015. Pour finir, Selfie from Hell tentera de faire baisser le cours de l’action Instagram en bourse.

En salle Ciné 1, à 18h30, Human, Space, Time and Human tentera de faire réagir et réfléchir le public. Crooked House, quant à lui, nous renverra au monde d’Agatha Christie avec cette adaptation de La Maison biscornue. Enfin, à 22h30, le blockbuster russe Frontier et ses 300 millions de roubles de budget vous feront voyager dans le temps, en plein coeur du siège de Leningrad.

Et dimanche, Norbert s’astique le manche en salle n°…

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.