[Avignon OFF 2023] Gardiennes au Théâtre Les 3 Soleils

De Fanny Cabon, mise en scène de Bruno De Saint Riquieravec Fanny Cabon. Au Théâtre Les 3 Soleils  à 13h15 du 7 au 29 juillet (relâche les 11, 18 et 25 juillet).

Fanny Cabon est seule sur scène, pourtant nous découvrons dix femmes bien différentes. Dix histoires de vie tournant autour de la grossesse et de l’avortement. Un récit familial qui traverse les générations pour un même combat. Seules les époques changent mais les épreuves sont les mêmes.

Des mères, des sœurs, des filles, toutes passent par ce poids qui pèse leurs entrailles et leur âme. Comme une fatalité ancestrale qui se transmettrait traditionnellement. Et toujours ce même conflit, ce même secret. Celui-ci se règle entre femmes, loin des hommes qui n’ont pas de raison de s’en mêler. « À l’époque, c’était comme ça. »

On découvre par de très belles scènes intimistes le témoignage de toutes ces femmes et nous évoluons à travers les âges pour percevoir la même souffrance mais abordée différemment. La naïveté, la désillusion, le relativisme ou l’acceptation accoutumée.

Le texte de Fanny Cabon est juste et piquant, avec un goût savoureux d’une profonde vérité. L’avortement est abordé sans tabou sous une apparence changeante. Très souvent, c’est l’innocence des femmes qui parle. Elles ignoraient qu’elles pouvaient réagir, donner leur avis, refuser ou prendre du plaisir. L’homme n’est pas décrié mais sa place dans l’Histoire est pourtant pointée tant elle était irrespectueuse et cruelle par l’absence du demi-fautif. L’amour se fait à deux, mais les problèmes, semble-t-il, ne doivent être résolus que par la femme.

Chaque scène nous touche, nous pousse à la réflexion et nous transmet une envie de réconfort et de changement. Comme une pulsion de bouleverser ces récits en corrigeant le passé. Mais ces dix femmes ne se plaignent pas de leur situation, de leur vécu, elles le narrent par le jeu délicieux et si varié de Fanny Cabon. Celle-ci aborde les sujets les plus révoltant ou traumatisant avec une pointe d’humour et de douceur pour ne pas en souffrir, uniquement les ressentir.

Un voyage intergénérationnel d’1h15 où l’on tente de se persuader que les choses ont changé, que nous ne sommes plus à une barbarie de considération de la femme. Mais si la forme change, le fond reste le même. Le manque de respect et la cruauté dissimulée dernière des réactions illusoires perdurent à travers les années. Malgré tout, on sort de ce spectacle sans colère, sans haine. Une tristesse perle encore au coin de nos yeux mais c’est principalement de la considération et de l’affection pour toutes ces femmes qui entourent nos réflexions en sortant de la salle.

Un très joli spectacle présenté par Fanny Cabon, conteuse de talent, qui présente sa famille avec bienveillance et délicatesse malgré toute la rudesse du sujet.

A propos Christophe Mitrugno 62 Articles
Journaliste du Suricate Magazine