Amazing Grace, performance divine et habitée

Amazing Grace
d’Alan Elliott et Sydney Pollack
Documentaire, Musique
Sorti le 23 octobre 2019

Au chapitre des films maudits, la musique occupe une place de choix ! S’il est aujourd’hui difficile de visionner le Porgy and Bess controversé d’Otto Preminger (1959), que les Rolling Stones tentent d’oublier un Cocksucker Blues (1972) qui donnait une mauvaise image du groupe, qu’Eric Clapton regrette encore Rolling Hotel (1980) et que David Bowie aura tout un temps rougi du documentaire Cracked Actor (1975), il est un film resté introuvable jusqu’à ce jour : Amazing Grace !

Réalisé par Sydney Pollack, Amazing Grace consiste en la captation d’un concert donné par Aretha Franklin les 13 et 14 janvier 1972 à la New Temple Missionary Baptish Church de Los Angeles. Si l’album tiré de ce concert aura dépassé les deux millions de vente jusqu’à devenir l’album Soul le plus vendu de tous les temps et à être certifié disque de Platine, le film qui en fut tiré n’aura pas eu le même destin.

En effet, une erreur technique condamnera la production à l’oubli : le réalisateur ayant mal utilisé les claps de début et de fin, son et images seront désynchronisés faisant du montage de ces vingt heures d’images un casse-tête sans nom. Les rushs furent donc remisés dans un entrepôt de la Warner jusqu’en 2007, lorsque le producteur Alan Elliott entreprendra de remonter le film sur base des techniques modernes – allant jusqu’à faire appel au réalisateur Michel Gondry en 2011 pour l’aider dans sa tâche sans que cette idée n’aboutisse.

Durant l’heure et demi que durera ce concert, Aretha Franklin livrera une performance extraordinaire, puissante et teintée d’une foi époustouflante, face à son père C.L. Franklin présent dans le public – de même que Mick Jagger, Charlie Watts et la chanteuse de Gospel Clara Ward. Une représentation habitée, soulignée par la présence d’un public transporté et participatif.

Pourtant, une fois le montage achevé, Aretha Franklin s’opposa à la sortie du projet, allant jusqu’à attaquer Alan Elliott en justice. Pour des raisons qui semblent encore nous échapper (certains évoques des questions pécuniaires, d’autres la peur qu’aurait eu la chanteuse déjà atteinte d’un cancer de se revoir aussi jeune. D’autres encore évoquent le côté trop hollywoodien du projet qui aurait pu déplaire à celle-ci ou la frustration de n’avoir pas pu concrétiser le projet en 1972), la Queen of Soul aura refusé de voir aboutir ce projet quadragénaire.

Il aura ainsi fallu atteindre le décès de l’artiste le 16 août 2018 pour que son héritière, Sabrina Owens, accepte que le projet soit finalisé, après avoir assisté à une projection privée ayant ému jusqu’aux larmes une vingtaine de membres de la famille Franklin. Quarante-sept ans plus tard, Amazing Grace pouvait enfin voir le jour !

Pour en savoir plus : interview de Alan Elliott